Voronoi - The Last Three Seconds

Voronoi - The Last Three Seconds

Chroniques 12 Octobre 2022

Quand on parle de Metal progressif, il est facile de tomber dans le kitsch à la Dream Theater. Toutefois, Voronoi fait le choix de la sobriété esthétique avec un line-up réduit à l’essentiel : basse, batterie, synthés. Mais alors, comment faire sonner quoi que ce soit avec un line-up aussi réduit ? La réponse est simple, avec un peu de talent et beaucoup de travail.



Interstellar Something ouvre le bal avec son électronique déphasée, d’où le binaire, tandis que le piano et la batterie alourdissent singulièrement le morceau avec une entrée en ternaire, qui crée d’ores et déjà un décalage dans les éléments du morceau - on sent bien qu’on est sur un morceau de Prog’. Les nappes de synthés qui arrivent par vagues donnent bien l’ambiance stellaire inhérente au projet. Les synthétiseurs sont par ailleurs l’élément mélodique du groupe, avec des accords harmonisés qui viennent en contrepoint de la basse. On sent bien les influences Metal du groupe dans les timbres, la lourdeur et la force du son, mais la composition en elle-même est bien plus proche d’un Jazz progressif. 


Gamma Signals reprend la même structure de sons électroniques par vagues avant d’émerger sur mélodie qui se structure peu à peu, éléments par éléments. D’abord les synthés, puis la batterie, vient la basse puis la guitare. Malgré la dimension perturbante apportée par l’asymétrie des structures rythmiques, Voronoi arrive tout de même à créer des atmosphères que l’on qualifierait de “planantes” qui collent très bien avec le décorum d’une musique en apesanteur, entre flottements et machineries. 


Ce n’est que The Nauseator qui sort un peu de cette logique en apportant une mélodie au piano moins ambiante, plus structurée, avec un ⅞ qui donne juste ce qu’il faut de rebond au morceau pour le rendre prenant. Tout, des appuis de la basse au jeu sur la ride et au développement du piano, rappelle le Jazz, ce qui n’est pas plus mal pour entrer dans des morceaux plus organisés. Avec ses dix minutes, The Nauseator prend plus le temps de rappeler son thème, de le modifier, de créer des tensions, c’est donc un morceau avec plus de relief qui est plaisant à écouter car on découvre sans cesse de la nouveauté sans être jetés dans l’inconnu - comme on l’était en début d’album. Cela lui permet d’avoir des petites incartades comme un crescendo, un passage ambiant, et un retour du thème bien plus lent et lourd et de l’accélérer un peu, dans un morceau allant ainsi du Jazz au Doom tout en gardant une ligne cohérente. 


On revient sur des morceaux un peu plus classiques avec Robots as Pathos / Robots as Menace. On retourne sur une composition plus alambiquée, où le 8/8 règne mais où le mélange de binaire et de ternaire et les changements de structure rendent le morceau plutôt cérébral - ce qui plaira à des amateurs de Metal Progressif à la Animals as Leaders. Car le son, en lui-même, est proche des sonorités Metal avec une basse et une guitare très présentes et saturées, une batterie qui marque le temps avec la cymbale china et un chant… inexistant ?


Avec ses vagues de synthé’, ce cinquième morceau qu’est Darker the Night recolle avec les compositions de début d’album. Le piano est certes plus structuré, mais on sent que Voronoi a tendance à, d’abord créer une ambiance, puis à introduire un thème avant de le développer. Il faut reconnaître que la formule est efficace, mais on remarque aisément les tropes du groupe comme le recours à des mesures asymétriques ou à un son de guitare lourd et métallique. 


The Last Three Seconds est quant à lui un morceau plus austère, avec quasiment que les supports rythmiques et des accents aux synthétiseurs, le tout en 17 croches réparties sur 2 mesures (un genre de 17/8), autant dire que ça fait mal au crâne. Pour le reste, le morceau cherche à être perturbant et réussit, mais est un peu en retrait du reste de l’album car il n’en ressort rien de notable qui n’ait pas déjà été exploré dans les titres précédents. 


On retourne sur un morceau plus structuré et développé avec l’avant-dernier morceau, The Outsider and the Priest. Le thème est d’emblée donné au piano et la basse revient prendre son rôle d’appui rythmique. Il va justement se développer à travers différentes signatures rythmiques comme du 11/8, du 13/8, du 5/4 ou du 3/4 - vous comprendez donc que j’aime ce genre de titres qui demandent de la concentration et qui se décryptent aux oreilles attentives. 


Mon morceau favori reste toutefois le dernier de l’album Home Could Be Lightyears Away. Annonçant le thème dès le début, le morceau dispose de la longueur suffisante (6 minutes) pour le développer et le faire prendre en majesté peu à peu avant de finir l’album en apothéose sur une polyphonie accompagnée de saxophone. C’est là que l’on voit que les musiciens de Voronoi sont aussi des auditeurs de musique classique, car leur usage des cuivres mimique leur usage dans un orchestre symphonique. On trouve aussi - oh, surprise ! - plusieurs passages en 4/4 dans ce morceau, même si un intermède de basse et de batterie en 9/8 décale un peu le morceau. On retombe très vite sur nos pieds avec le retour des synthés et du piano, et là le décollage s'amorce. Le morceau prend un crescendo accompagné de la caisse claire et les instruments se joignent un par un pour créer une mélodie tout bonnement sublime. On découvre même une guitare, élément jusqu’alors absent de l’album, qui vient doubler la mélodie et lui donner plus de corps pour clore The Last Three Seconds.



Voronoi est donc un groupe de Metal progressif exigeant, qui ne vous fera sans doute pas headbang mais qui ne ressemble à un aucun autre. Les amateurs de musique cérébrale apprécieront à la fois la richesse des morceaux mais aussi les mélodies prenantes et leur consoeurs planantes. Comme la pochette l’indique, il faut aimer l’abstrait, mais tout amateur de Kandinsky sait qu’il s’agit de créer des espaces. Et ça, Voronoi le fait à merveille et ne se contente pas de les créer, il les explore également.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.