Sleep Token - Sundowning

Sleep Token - Sundowning

Chroniques 15 Novembre 2019
Sleep Token est un groupe particulier. En effet on ne sait que peu de choses à son sujet à part qu'il serait originaire du Royaume-Uni et qu'il a sorti depuis 2016 deux EPs et trois singles. Bien que leurs EPs étaient très similaires dans leur composition : morceau assez planant de prime abord qui sera supplanté par des guitares acérées typées Djent, les trois singles qui suivirent furent bien plus énigmatiques.
On eut tout d'abord le droit à la reprise de Hey Ya du groupe de Hip Hop OutKast, à travers une interprétation plus lyrique et beaucoup plus mélancolique, tellement qu'il en est difficile de reconnaître l'originale - la mélancolie sera d'ailleurs de nouveau présente dans le suivant : Jaws. Ce dernier, avec ses touches Electro et Pop, pourra nous surprendre au début mais rien en tout cas ne pouvait nous préparer à son explosion finale ! Cependant, sa composition sera à nouveau proche des précédents EPs, One et Two, mais avec une maturité d'écriture et une qualité acoustique bien plus grande. Enfin, The Way That You Were en est troublant de douceur avec son orgue omniprésent et ses chœurs attendrissant jusqu'à lors jamais entendu dans leur musique...
Bref Sleep Token est un groupe assez complexe qui a essayé avec ses dernières compositions de sortir des sentiers battus pour nous pondre des morceaux plus originaux qu'à l'accoutumée, si ce n'est des morceaux surpassant leurs prédécesseurs.

Mais du coup, que peut bien donner cet élan soudain ? Le groupe l'a-t-il suivi pour nous proposer une musique encore plus originale ? Ou bien a-t-il succombé à la facilité en conservant toutes ses habitudes de compositions découvertes à travers ses EPs?

En tout cas, le combo a su faire part d'une démarche originale pour nous le faire découvrir. En effet, toutes les deux semaines depuis le 20 juin, le groupe sort un nouveau morceau les jeudis dans l'ordre de la tracklist avec pour chaque titre un clip et un merchandising dédié. Un rendez-vous qui est très vite devenu un rituel pour beaucoup de leurs fans et un moyen assez original pour faire patienter ces derniers, cette volonté s'inscrit sûrement dans le fait que toute leur discographie se trouve en intégralité sur les réseaux.



Cette épopée commença donc avec The Night Does Not Belong To God ! Ce titre suit directement l'atmosphère qu'avait créée Jaws avec ses touches ambiantes et reposantes terriblement envoûtantes.On remarquera un magnifique travail sur le chant qui sera souvent accompagné de chœurs mettant encore plus en surbrillance les refrains et les capacités vocales du chanteur. Et comme pour Jaws, ou même leurs EPs, le groupe nous gratifiera de la traditionnelle arrivée des guitares saturées. Cependant, cette fois-ci elles resteront en retrait pour nous permettre de mieux apprécier la fin de ce morceau sublime.

Si le groupe avait pu commencer les réjouissances d'une manière plutôt paisible, le single suivant, The Offering, nous fait clairement comprendre que le groupe n'avait pas perdu tout son répondant et ce n'est pas l'arrivée des guitares saturées à l'accordage peu réglementaire qui nous dira le contraire. Néanmoins, le groupe n'oubliera pas de nous charmer de par les mélodies relaxantes au piano et à la voix du chanteur magnifique sur les refrains. Le morceau est ainsi terriblement efficace et fait une délicieuse entrée en matière ! Surtout, qu'avant de nous laisser, le groupe n'oubliera pas de nous servir un breakdown dont eux seuls ont le secret, ce qui vous pouvez l'imaginer nous faisait d'autant plus attendre la sortie de leur troisième titre !

Et Levitate ne pourra s'empêcher d'en troubler plus d'un. On est ici face à une ballade au piano magnifique. Toute l'atmosphère ainsi créée nous enveloppe pour nous bercer tendrement. Et si la musique, seule, ne suffit pas vous pourrez toujours regarder les paysages défilés dans leur clip. En tout cas, Sleep Token nous livre ici une ode à la beauté avec ce titre qui vous emportera au loin au gré des mélodies et du chant aériens... Jusqu'à ce qu'un nouveau breakdown, court et impromptu, nous surprenne dans notre envol pour nous clouer au sol !

Si les morceaux précédents n'étaient pas assez originaux pour vous, le groupe s'amuse avec ses goûts musicaux éclectiques dans Dark Signs. Pour tout dire, on ignore si on a échoué dans un morceau Electro de la scène underground avec toute cette MAO et batterie électronique. Et on peut dire que malgré les mélodies entêtantes et particulièrement joyeuses, les paroles, elles, se voudront bien plus tristes, voire même dépressives, et remplies d'amertume. Un étrange contraste qui marche avec brio mais qui nous remplit d'émotions contradictoires.

Et cette étrangeté continuera avec Higher qui malgré son ton léger, dégage une atmosphère quelque peu inquiétante tout au long du morceau. Une sorte de prémonition de ce qui va suivre car le groupe nous délivre dans son morceau l'apothéose de ce qu'il avait pu composer avec leurs premiers EPs : un titre envoûtant avec une voix ensorcelante ne faisant qu'apaiser notre esprit pour la terrible tempête qui approche. Le rythme et l'intensité du morceau seront d'ailleurs crescendo tout du long comme pour renforcer cette idée d'une catastrophe à venir. Et on peut dire que l'attente en valait la peine car la fin est terriblement brutale et sauvage ! Le groupe y consacre en effet toute sa rage dans un breakdown destructeur, à l'accordage plus que douteux, qui sera, pour la première fois, accompagné d'un chant crié !

Après cette tornade, il était revenu le temps de l'apaisement avec Take Aim, qui, contrairement à son prédécesseur, ne nous réserve aucun coup fourré. Le titre se veut simple et enchanteur. On est en face d'une belle douceur acoustique.

Bienvenue dans le monde de l'étrange avec l'intro singulière aux claviers de Give ! Là encore, on est invité à découvrir une autre facette vocale du chanteur qui ne cesse de surprendre avec sa voix claire depuis le début de cet album. Là encore le groupe nous bercera à travers des mélodies légères au tempo bien lent...

En tout cas, toute cette douceur était loin de nous préparer à ce qu'est Gods ! Jamais un tel déchaînement de violence de leur part n’avait été entendu. Le morceau se veut brutal et incontrôlable, le chant crié à travers de la distorsion ne fera que nous agresser sur des riffs dissonants. Mais Sleep Token pensant à nos oreilles bien fragiles, nous accordera, dans leur plus grande mansuétude, un moment d'apaisement au milieu de toutes ces horreurs avec des chœurs très angéliques supportant la voix claire et aérienne du chanteur, mais ce dernier sera bien vite supplanté pour encore plus de brutalité sur un fond dissonant! Avant de se conclure par l’halètement du chanteur qui vient, on l’espère, de décharger toute sa rage pour le reste de l'album.

Et ouf, on aura le droit de respirer avec Sugar. Le morceau se voudra assez hypnotique, entre le clavier omniprésent ne jouant que quelques notes et un chant très ensorcelant. En effet, ce dernier aura de son côté quelques effets qui le rendront d'autant plus charmeur. On pourrait même croire qu'on tente de nous lancer un sort... Le morceau retombera peu de temps après dans les vieilles habitudes du groupe avec, comme final, la venue des guitares. Comme si le groupe tenait à nous rassurer une nouvelle fois avec quelque chose que l'on connaissait bien...

Say That You Will a quelque chose de fascinant, bien que le morceau soit assez simple en vérité. En effet on retrouve une fois encore le Sleep Token que l’on connaît mais qui a su utiliser à la perfection ses petites touches Electro pour donner à l’atmosphère du morceau une profondeur et une toile de fond d’une qualité que le combo n’avait pas encore atteint.

On est malheureusement loin des morceaux pleins de surprises du premier acte, mais notre épopée continue avec Drag Me Under. Le groupe nous emmène délicatement un peu plus loin dans son univers mélancolique avec cette ballade touchante au piano. La mélodie sera renforcée par les multiples pistes vocales, de plus en plus présentes au fil du morceau en canon. Ces dernières seront là comme pour nous noyer dans une multitude de sons jusqu’à ce qu’elles s’éteignent brusquement pour laisser le piano nous conter ses dernières notes.

L’album se conclut par Blood Sport ! Et décidément le groupe semble vouloir nous faire sombrer dans la mélancolie par ces mélodies au piano pouvant rappeler la tristesse des compositions de Ludovico Einaudi. Cependant le piano ne restera pas maître longtemps puisque une batterie organique et électrique nous rejoindra avant de se faire emboîter le pas par les guitares, qui signent ainsi leur grand retour. Là encore on a le droit à quelques doublement de pistes vocales pour rendre la chanson d’autant plus bouleversante… Et ce n’est pas les sanglots du chanteur qui concluent l’album qui nous feront dire le contraire. Sanglots qui vous donneront sans doute un petit coup de mou après cette fin d’album bien calme...



Sleep Token nous livre ainsi avec son premier album Sundowning, une musique aux influences multiples avec des titres parfois très hétérogènes. Mais bizarrement, ces différences en font sa force !
Les mélodies feront en effet tout aussi bien écho aux fans de récitals de piano, qu'aux fans de Djent, de Pop, de RnB ou bien même d'Electro !
Notre première écoute est malgré tout assez déstabilisante puisque l'on ne sait jamais sur quel pied danser mais, à force d'écoutes, on s'amusera à apprécier les embuscades que le groupe nous avait tendu pour notre première fois, ce qui nous fera qu'aimer bien plus chaque morceau pour leur singularité. Car, croyez-moi, on attendra ces fameux pièges toujours avec ferveur et passion ! Décharge de dopamine garantie !
D'ailleurs, les morceaux ne dépendant pas des uns des autres, on pourra aussi s'amuser à changer l'ordre de la setlist selon notre état d'esprit du jour, si l'on préfère se prendre une bouffée d'air frais emplie de mélancolie ou bien une décharge d'énergie.
En tout cas, avec cet album, Sleep Token a su éviter le piège auquel succombent trop souvent les groupes qui est de réutiliser toujours les mêmes sons de guitares ou de claviers dans chacune de leurs musiques. Ce qui accentue ici la particularité de chacun de leurs titres. Ce disque n'est pas réservé à une quelconque case ou fan d’un style de musique en particulier, car le groupe vient de nous prouver une nouvelle fois qu'il est inclassable et qu'il peut nous déchirer nos tympans tout aussi bien qu'il peut nous enchanter en nous transportant dans d'autres univers...
Donc tout ce que je peux vous souhaiter, avant de commencer votre écoute, est de bien profiter de votre périple musical !

A propos de Gauvain

Jadis chroniqueur acharné, Gauvain préfère dorénavant occuper son temps libre à l'animation de lives hebdomadaires sur notre chaîne Twitch à la découverte de groupes intéressants. La légende raconte qu'on y passerait jamais de Metal... Il n'est cependant pas rare de le voir publier quelques articles à l'année quand l'envie lui prend.