Interview Wallachia

Interview Wallachia

Interviews 7 Mars 2019
Interview originale: http://www.radiometalsound.fr/articles/voir/175

Pour la sortie du nouvel album de Wallachia Monumental Heresy, j'ai eu l'occasion d'interroger la tête pensante du groupe, Lars, sur ses motivations derrière l'album et nous avons pu étudier en profondeur les idées derrière celui-ci.


Radio Metal Sound : Comment parvenez-vous à intégrer des passages mélodiques et symphoniques au sein de cette dénonciation sombre et acerbe que vous faites pourtant de la religion? 

Wallachia : J’ai toujours eu une attirance pour les mélodies pures aux variations tristes dans des gammes mineures mais aussi pour les mélodies plus accrocheuses et triomphantes. Il y a un mélange de ça dans Wallachia. Je trouve que ça donne plus de profondeur et de dynamique à la musique. Les hymnes religieux sont souvent lourds et fatigués, reflétant la tragédie d’une vie de repentance, de malheur constant et de crainte de Dieu. Et nous essayons en quelque sorte de faire le contraire avec une ambiance plus triomphante qui reflète notre liberté personnelle, nos liens avec Mère Nature et notre héritage d’avant que la peste monothéiste n’infecte nos pays et nos cultures. 

La dernière chanson de notre nouvel album, Untruthology Abolished, a ces passages de flûte qui font écho aux temps médiévaux et cette chanson en particulier est peut-être la plus mélodique et la plus blasphématoire et réactionnaire. Cette structure « joyeuse » reflète la libération de la prison physique et mentale qu’est la religion, même aujourd’hui au 21ème siècle.  

Radio Metal Sound : Que ce soit dans le thème de l’album, dans la musique ou dans l’hommage à Valfar, comment appréhendes-tu cette volonté de renouer avec un Black Metal plus traditionnel ? 

Wallachia : Avec Wallachia, je fais juste ce qui me semble naturel et je ne suis aucune règle ou dogme sur ce que le Black Metal doit être. Une de mes plus grandes influences musicale est Quorthon de Bathory et si on jette un œil aux six premiers albums de Bathory, aucun n’est similaire mais on peut entendre une évolution graduelle et naturelle de la musique entre chacun. Et avec Wallachia, je peux regarder nos quatre albums et ressentir qu’aucun ne sonne pareil mais il y a une progression liée entre eux. 

On pourrait comparer cela à un réalisateur, c’est comme si je faisais un style de film différent à chaque fois au lieu de me contenter d’enchaîner les suites d’un même genre car je veux que chaque album ait ses propres caractéristiques individuelles.  

RMS : Wallachia explore beaucoup les mythes et les folklores transylvaniens, saurais-tu nous dire ce qui te motive à explorer cet univers et tes principales références ?  

Wallachia : Ma fascination pour la Transylvanie et bien sûr la Valachie provient de mon enfance et tout particulièrement au mythe de Dracula. J’ai ensuite découvert l’histoire derrière le vrai Dracula, Vlad Tepes III. J’ai aussi été en possession d’un livre danois à propos des personnages européens morbides comme Vlad Tepes, la comtesse hongroise Elisabeth Bathory et le noble français Gilles de Rais. Toutes ces histoires étaient excitantes pour un adolescent comme moi qui écoutait du Metal depuis ses sept ans. Ce book ainsi que le Dracula de Bram Stroker ont été mes principales influences au moment de fonder Wallachia. Après j’ai visité la Transylvanie deux fois et j’ai voyagé à travers toute la région, notamment en 2015 où je suis retourné dans la région roumaine où nous avons fait notre premier concert.  

Je pense que l’Europe se serait développée bien différemment si Vlad Tepes III n’avait pas empêché l’expansion à laquelle aspirait l’empire ottoman. 

RMS : Quelle expérience tires-tu de l’enregistrement de l’album alors que tous les instruments sont organiques ? 

Wallachia : L’enregistrement de Monumental Heresy a été ma meilleure expérience de studio pour l’instant car pour la première j’avais un line-up complet. Ça a rendu le processus bien plus appréciable et moins intense et stressant que lorsque je devais faire tout moi-même à part la batterie. Nous avons volontairement enregistré les guitares et la basse en Norvège et les percussions ainsi que le chant ont été enregistré en Allemagne avec le même producteur que nos deux précédents albums. Quand j’ai enregistré Shunya en 2012, je n’étais pas vraiment content de l’enregistrement et du produit fini car je le trouvais trop moderne et lisse. J’ai donc voulu changer et avoir plus de contrôle sur ce que nous faisons car c’est le groupe et non le mixeur qui doit prendre les décisions.  

Je veux que la musique ait beaucoup d’énergie et on peut effectivement entendre que ce sont bien des humains qui jouent des instruments. Je suppose que j’ai désormais acquis suffisamment d’expérience pour savoir ce que je veux et comment y arriver et je n’ai pas besoin de travailler avec des personnes qui ont un agenda musical différent. Je pense que Monumental Heresy est notre album le plus solide et il est agréable de se sentir plus maître de celui-ci que nos deux albums précédents. 

RMS : Quelle est la place de subjectivité que tu mets au sein du groupe ? Car si la lutte contre la religion est un engagement personnel, certains titres tels que The Parallel Fate Of Dreams semblent tout droit tirés d’expériences intimes.  

Wallachia : Mon mépris envers la religion remonte à mon enfance et à mes premières rencontres avec des membres de l’Eglise et des professeurs qui faisaient partie de sectes religieuses qui essayaient d’introduire leurs dogmes en nous, alors enfants. Et j’ai trouvé l’attitude de ces personnes tellement hostile, c’est comme s’ils étaient effrayés de la vie elle-même. Et j’ai vu ce que la religion a fait à des amis de ma famille, ça a divisé la famille et des parents se sont séparés car l’un d’entre eux ne voulait pas suivre le chemin de la foi. C’est une partie de Wallachia que l’on peut interpréter comme une philosophie personnelle puisque je me fonde sur le monde où nous habitons et vivons notre vie puisqu’au final nous sommes tous égaux face à ce qui nous attend au-delà de cette vie mortelle.  

La chanson que tu mentionnes, The Parallel Fate of Dreams, a justement été le premier morceau que j’ai écrit pour cet album et c’est le plus différent de tous. Et oui, c’est un titre très personnel basé sur un bouleversement dans ma vie à l’été 2013. Toute l’idée derrière ce morceau est de vivre dans un état d’esprit de déni du destin où l’on rejoue la même histoire avec une fin différente. Donc oui, c’est aussi simple qu’une chanson de post-rupture. Qu’on me le pardonne car j’y ai plus suivi mon cœur que ma raison, mais j’ai trouvé ça naturel et honnête à l’époque. Maintenant, je ne peux plus supporter cette chanson pour plusieurs raisons et je trouve qu’elle ne s’accorde pas bien avec le reste du concept mais j’ai choisi d’inclure tout de même le morceau car nous avons une vocaliste, donc bon… 

J’aime explorer musicalement et dépasser les limites mais avec ce morceau, je pense qu’on est allé un petit peu trop loin du côté soft. A part cela, j’ai écrit avec une nostalgie de l’enfance et de la liberté qu’on y a de rêver et d’imaginer – encore plus dans mon cas d’enfant et d’adolescent à une époque antérieure aux téléphones portables et à Internet. Je me sens aussi concerné par les problèmes environnementaux et j’ai adapté mon mode de vie en fonction, j’ai notamment exprimé cela à travers certaines de mes chansons. 

RMS : Malgré la dimension athée du groupe, une certaine spiritualité est évoquée dans les paroles et notamment avec le terme « satya ». Pourrais-tu développer ton rapport au spirituel dans ce cadre ? 

Wallachia : Certains d’entre vous savent peut-être que nous prévoyons originellement d’appeler l’album « Path of Satya » et comme tu dis, le mot « satya » est répété tout au long de la chanson So We Walk Alone. J’aime jouer avec les mots, les langues, leurs aspects symboliques et certains titres ont des jeux de mots par-ci par-là. 

Je suis loin d’être une personne spirituelle car je ne fais pas de méditation ou de rites d’aucune sorte mais je pense que j’ai effectué un voyage intérieur qui m’a mené à une plus grande conscience de qui je suis et pourquoi je pense et ressens d’une certaine manière. Comme je le dis dans mes paroles : « La nature est mon temple… », c’est là que je trouve la paix et la place pour mes pensées. Ma philosophie est d’avoir le pouvoir de changer et de m’améliorer, de grandir de mes échecs et je sais que ma manière de vivre la vie me convient. Mais je ne veux pas imposer ma vision à quiconque et le culpabiliser sur leurs modes de vie. Je pense que ca devrait être dans notre nature de sentir que nous voulons quitter la Terre en meilleur état que quand nous y sommes arrivés. Quand je vais dans les bois et que je vois des arbres qui tiennent depuis des siècles, que mes ancêtres ont admirés comme je les admire aujourd’hui, ça me rappelle à quel point nous autres humains sommes petits face à la nature. Et ça a d’ailleurs été une partie de l’artwork du nouvel album puisqu’il y a dans le livret l’angle opposé à la couverture où l’on voit que la nature sauvage continue de grandir et submerges les ruines. Le respect pour notre environnement et nos ancêtres est donc un facteur important de ma spiritualité. 

RMS : Pourrais-tu expliquer ton rapport aux artistes et aux créateurs tel que tu les encenses dans The Prophets Of Our Times

Wallachia : L’essence de The Prophets Of Our Times est de rendre hommage à ceux qui ont vécu et sont morts durant ma vie et ont laissé leur marque sur ce que je pense et fais. Et chacun de nous, par exemple vous avec la webradio, laisse un message qui peut inspirer quelqu’un comme nous avons été inspirés au début. Nous vivons dans une ère de documentation et d’information et nous nous référons aux croyances religieuses comme à quelque chose du passé et je trouve ça étrange. Je veux dire… Un Dieu infini, une longue ligne de prophètes et après plus rien ?  

J’ai écrit cette chanson avec des personnes comme David Gold (Woods of Ypres, RIP), Valfar (Windir, RIP) et Quorthon (Bathory, RIP) en tête puisqu’ils m’ont tous profondément inspiré lors de leur passage sur terre. Leur musique et leur personnalité m’ont aidé à me sentir mieux et je ne peux que faire de mon mieux pour rendre un peu de leur héritage. 

RMS : Après votre titre sur la compilation Servants of Chaos II chez Debemur Morti, qu’attendre de Wallachia ?  

Wallachia : Un nouvel album est en préparation depuis quatre ans déjà et une grande partie des fondations et des concepts sont prêts et je peux d’ores et déjà dire que ce sera plus proche de nos premiers titres. A part cela, il n’y a rien de prévu pour l’instant.


C'est donc baigné de toutes ces influences que le prochain album arrivera. D'ici là vous pouvez vous procurer le dernier album Monumental Heresy chez Debemur Morti, sur le Bandcamp du groupe et vous pouvez aussi aller soutenir Wallachia sur Facebook

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.