Art Against Agony - Shiva Appreciation Society

Art Against Agony - Shiva Appreciation Society

Chroniques 9 Janvier 2019
Lutter contre la mort grâce à l’art, en voilà un projet ambitieux ! Porté par un quintet allemand de metal progressif, Art Against Agony souhaite opposer l’art à un cercle de réincarnation dans laquelle la négativité ne fait qu’augmenter. Long de plus d’une heure, leur dernier album Shiva Appreciation Society se veut être une œuvre d’art totale qui met en avant la portée philosophique de la musique en dissimulant toutes les variables éphémères derrière des masques. La musique devient alors une représentation du mouvant et de l’altération au sein du cosmos et Art Against Agony essaye un tant soit peu de lui donner un sens. 


L’album commence lentement par une introduction mélancolique au piano qui va très vite laisser place à l’identité du groupe avec Nothing to Declare!. Le morceau développe déjà le style très libre du quintet, chevauchant entre le metal progressif, le jazz et le djent. On est bien loin des boulevards bondés du métal ; Art Against Agony nous propose plutôt des morceaux tortueux, complexes, oscillant entre les passages légers voire dansants et les passages lourds type Vildhjarta.  
En plus du quatuor guitares, batterie et basse, on remarque dès ce morceau la présence de percussions qui viennent tantôt soutenir le rythme tantôt la mélodie et rajoutent une teinte orientale à la composition. On retrouvera par ailleurs cette teinte dans tout l’album, que ce soit dans son concept où dans ses morceaux, et notamment dans le troisième morceau : Nandi. Ce morceau ci sera plus jazzy que le précédent, avec des sonorités plus légères et une mise en avant des guitaristes qui pourront déployer un jeu très technique dans un style free-jazz. Cependant le morceau arrive à garder une certaine régularité grâce à la partie rythmique et grâce à la basse qui vient allier les deux blocs par un jeu discret en contrepoint. La fin du morceau sera assurée par un passage au piano qui entame une transition vers Katz, un morceau très doux qui se développe très lentement. Il nous faut attendre la deuxième minute pour avoir un passage plus punchy aux percussions frappantes et la fin de ce passage inaugurera un ballet frénétique d’alternance entre des passages explosifs et des passages jazzy où le bloc rythmique se fera discret pour laisser les guitares et le piano exprimer leurs nuances. 
Vient ensuite Pumpkin Thief qui reprend un schéma similaire sans apporter de nouveautés mais qui n’est pas répétitif ou lassant pour autant car l’extrême liberté du groupe lui permet de ne pas tourner en rond et de développer une très large gamme de sentiments dans ses morceaux.  
La nouveauté sera apportée par Emissary, sixième morceau de cet album, qui introduit un côté synthétique qui n’était pas présent jusqu’alors. Ces passages électroniques vont alors être récurrents jusqu’à la fin de l’album et vont amplifier la dimension spirituelle du concept.  
Vient ensuite Feste, morceau acoustique qui permet d’écouter la spécificité musicale d’Art Against Agony débarrassée de toutes fioritures, il ne reste plus que le cœur du groupe qui exprime son style à nu. 

Le retour aux compositions plus classiques se fera à travers Voerman Interlude, morceau électronique au style spatial comme son titre l’indique.  
La première d’entre elles est composée en deux parties puisqu’il s’agit de Write A Word : Thc et de Write A Sentence : The Headbanger’s Confusion. La première partie ne dure que dix-neuf secondes et n’est composée que d’un long riff de guitare qui sera repris et développé pour constituer un morceau entier dans la seconde. Derrière l’aspect satyrique du titre, on ne peut s’empêcher d’y voir une critique acerbe du manque d’ouverture et de créativité régnant dans la scène metal traditionnelle. 
On en vient à Lemon Tree, dans lequel les guitaristes vont particulièrement explorer les différentes gammes et dissonances qu’ils ont à leur disposition. Le morceau sera d’autant plus déconcertant qu’il est composé de plusieurs signatures rythmiques, parfois asymétriques, qui renforcent cette étrangeté musicale. 
Hulullùlulu, Pt. 2 est un morceau qui fait suite à l’album The Difference Between A Duck And A Lobster et qui dispose de la double spécificité d’avoir une introduction en slapping à la basse et d’avoir un pont effectué par un solo de batterie, ce seront d’ailleurs les seuls moments où ces instruments seront sur le devant de la scène. 
 On arrive enfin aux deux derniers morceaux House Built On Sand et Queen’s Lullaby qui reprend le thème d’introduction au piano, donnant à l’album la dimension cyclique que le groupe déploie dans la philosophie qui lui sert de trame. 


Nous avons donc affaire à un album de très haut vol, dans un metal progressif très libre alliant beaucoup d’influences et de technicité qui évolue rapidement et nous jette dans l’inconstant du devenir. Art Against Agony nous offre des morceaux aux structures très complexes, tant dans leurs signatures que dans leurs modes, qui ne perdent pas un seul instant en harmonie – nous offrant la beauté contre la sénescence de l’univers. Si l’album est axé sur l’hindouisme shivaïte qu’il nous invite à apprécier, je vous invite quant à moi à aller apprécier ce très bon album au style inimitable sur Spotify comme sur YouTube.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.