Eneferens - The Bleakness Of Our Constant

Eneferens - The Bleakness Of Our Constant

Chroniques 26 Novembre 2018
Aux-abords des grands lacs canadiens, dans les forêts septentrionales se trouvent les terres mystérieuses du Minnesota. C’est dans ces contrées brumeuses que se trouve Eneferens, one-man band américain d’Atmospheric Black Metal. Et leur dernier album, The Bleakness Of Our Constant a été entièrement conçu par Jori Apedaille et se veut expression de l’errance existentielle et l’esseulement.

Notre morceau d’ouverture est d’ores et déjà un départ. Avec Leave, nous voilà installés dans une atmosphère flottante à l’introduction apaisée et au crescendo long. S’élèvent soudainement les riffs de guitare, puissants et contrastants avec la légèreté d’alors. Enfin, la guitare soliste au chant aigu vient donner une teinte de lamentation aspirant à sortir du tourment terrestre. Et c’est toujours dans cette marée d’émotions que le morceau se termine par des chuchotements qui nous introduisent dans l’intimité du sentiment et de la sérénité enfin retrouvée.  
Le morceau suivant est bien plus pêchu, on entre à proprement parler dans la partie Black Metal de l’album. On retrouve dans This Onwards Reach les principaux motifs du Black : guitares saturées, blast beats et chant guttural – bien que celui-ci soit plus grave qu’à l’accoutumée. Pareils à Icare, nous nous sommes écrasés sur Terre et la gravité se fait continuellement sentir par le rythme diminuant et les passages syncopés. Ensuite, on découvre grâce à la construction contrastée du morceau un passage très aérien, plus encore qu’Alcest. Il n’y a quasiment plus de saturation, c’est à peine si une guitare aiguë vient distiller ses nimbes et le chant clair de Jori Apedaille est très clair et résonne tel un cantique pour les cieux. Le tout se finit par une ataraxie aux notes longues tenues par une guitare et un piano aux relents Post-rock. 
C’est justement dans cette opposition entre lourdeur et légèreté, entre clair et sombre, entre rapide et lent que se trouve la cohérence de l’album. Celle-ci est le fil directeur de tous les morceaux sans pour autant qu’aucun ne manque de spécificité. Celle d’Amethyst sera sa guitare très expressive, notamment grâce au solo très long que le titre lui consacre. Elle sera à ce titre la principale ligne mélodique de ce morceau, bien avant le chant. 
Pour ce qui est d’Awake, on y retrouve un chant clair et une grande place laissée aux accords de guitares, le tout souligné par quelques harmoniques soulignant la douceur du morceau. Entre-deux d’Ecailles de Lune et de Shelter, on ressent dans ce morceau toute l’influence que notre duo français a eue sur Eneferens
On retombe cependant dans des riffs plus lourds dès le morceau suivant. Weight Of The Mind’s Periapt insiste en effet sur la pesanteur par son chant Doom bien plus grave qu’un chant Black classique. Derrière ce morceau, c’est tout une mystique qui est évoquée. De même que le symbole présent sur la pochette de l’album, Jori Apedaille s’arrache péniblement à sa condition humaine pour tisser des liens fragiles entre la Terre et les cieux.  
Après cette dernière complainte viennent les deux morceaux de clôture, bien plus doux que leurs prédécesseurs. 11:34 est un morceau de guitare acoustique avec comme seul soutien le mouvement des vagues et Selene vient finir l’album en nous évoquant nos voisines inconnues : la mer et la Lune. Le tout débute par un thème à l’ukulélé qui sera ensuite repris par la guitare avant de se finir définitivement en apothéose et en silence. 

C’est bien cette mare incognitum que nous présente Eneferens dans The Bleakness Of Our Constant. Pendant près de quarante-cinq minutes, Jori Apedaille va s’efforcer de tisser des liens entre la Terre et le Ciel, nous offrant dans ses mouvements contraires les sons des deux mondes. Si on ne peut nier l’influence immense qu’ont eue les Français d’Alcest sur Eneferens, il faut tout du moins reconnaître à l’album ses spécificités, notamment dans les différents instruments et dans le chant. C’est donc un album d’Atmospheric Black Metal tout à fait honorable, construit dans l’égarement existentiel, qui ne saurait inquiéter les mastodontes du genre mais qui mérite néanmoins d’avoir une place attitrée.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.