Interview Lascar

Interview Lascar

Interviews 19 Juillet 2018
Pour la seconde partie de votre rendez-vous bimensuel sur le Black Metal nous recevons Gabriel Hugo, homme derrière le projet chilien Lascar. Après avoir vu son œuvre de l’extérieur, approfondissons sa musique de ses propres mots. 

Radio Metal Sound : Tout d’abord peux-tu te présenter brièvement, pour ceux qui ne te connaîtraient pas ? 
Gabriel Hugo (Lascar) : Bien sûr… Mon nom de scène est Gabriel Hugo, j’ai démarré Lascar en 2014 mais je crée et j’enregistre de la musique depuis 2003 au moins. Au niveau musical, j’apprécie différents types de musiques car je suis toujours à la recherche de nouveaux sons et de nouveaux groupes, c’est pourquoi je me considère plus comme un fan de musique que comme un musicien.

Radio Metal Sound : Très bien, commençons… Lascar a sorti cinq disques depuis sa démo de Mars 2014, ce qui est considérable ! Pourrais-tu nous dire quelles sont tes motivations pour créer et enregistrer autant ?

Gabriel Hugo (Lascar) : Quand tu es dans un one-man band, c’est plus facile de trouver des moments pour créer et enregistrer de la musique. Normalement, un groupe de plusieurs membres doit trouver du temps pour se réunir et travailler sur leurs nouvelles compositions. Il y a la durée des tournées, les vies personnelles des différents membres, le laps de temps exigé entre deux albums par le label, les dépenses pour enregistrer en studio… Et tout cela prend du temps. En ce qui me concerne, tout cela est évité. J’ai aussi beaucoup d’idées et quand je finis d’enregistrer un album, j’ai déjà envie de faire des nouvelles chansons que j’ai alors en tête. Je pense que c’est le second point important de ce processus. Enfin, j’admire beaucoup le travail de musiciens underground comme Leviathan, Drowning the Light, Xashtur et cetera, qui ont eux-aussi sorti beaucoup de disques en peu de temps. 

RMS : Tes chansons semblent être très spirituelles et personnelles. Peux-tu nous dire quelles sont tes principes références pour les écrire ? 

G.H. : Sur le plan musical d’abord, j’ai toujours aimé les paroles des premiers albums d’Emperor… Cette sorte de description visuelle de la nature, l’ambiance mystérieuse que ça crée… C’est vraiment un guide pour mes compositions. J’essaye aussi d’incorporer ma vision du monde dans ce que je fais. Je me suis beaucoup renseigné sur le bouddhisme donc ça a une certaine influence sur moi par exemple. Et ce qui est le plus évident à mes yeux est le thème de la destruction de la nature. La plupart des chansons de Lascar développent l’idée d’une planète détruite, et je me plais à montrer la futilité de ce que nous pensons important (argent, religion, pouvoir…) par rapport à ce qui est vraiment important, ne serait-ce qu’à mes yeux, c’est-à-dire la préservation de notre habitat et notre spiritualité. D’ailleurs la plupart du temps je choisis mes pochettes d’album parce que j’aime l’idée d’une nature représentée par la main de l’homme, à travers sa perception ; plutôt que d’utiliser des photos de la nature comme d’autres groupes font. 

RMS : Approfondissons justement cette question car si l’on prend en compte tous tes albums, nous pouvons voir que la nature tient un rôle très important dans ta musique. Pourtant, tu vis à Santiago, qui est la plus grande ville du Chili avec plus de six millions d’habitants. C’est pourquoi j’aimerais que tu nous expliques ta relation avec la nature dans cette situation si paradoxale.

G.H. : Je ne pense pas que ma situation soit paradoxale... Santiago est une grande ville certes, mais elle est entourée de montagnes qu’on voit partout. Cette manifestation de la nature est toujours là, même dans le vacarme de la rue. Et il n’y a pas de meilleur contexte pour une chanson traitant du mépris des hommes envers la nature qu’une grande ville entourée ce qui fut une belle vallée. Je ne suis certes pas en contact avec une nature sauvage tous les jours, mais j’en vois la destruction constamment. J’ai aussi eu l’opportunité de voyager à d’autres endroits. Beaucoup des visions développées dans Absence me sont venues après un séjour en Patagonie, et l’EP Cryptospores a germé après que j’aie visité différentes villes européennes. 

RMS : La scène chilienne n’est pas assez connue à l’étranger, pourrais-tu nous donner ton opinion sur celle-ci ? 

G.H. : Une grande partie de la scène latino-américaine est toujours bloquée dans la période du heavy, thrash ou death metal, et ce n’est pas ces styles qui m’ont attiré vers le metal – même si désormais j’aime beaucoup de groupes de ces genres. L’innovation musicale me fascine mais il y en a peu par ici. Mais si je devais citer quelques groupes que j’aime je dirais All Tomorrows, Target et La Bestia De Geuvadan.  

RMS : Lascar a gagné en popularité grâce à Internet, c’est pourquoi j’aimerais connaître ton avis sur l’importance du web dans la scène metal. 

G.H. : C’est très important pour les groupes underground. Beaucoup de très bons groupes étaient bloqués dans leur coin car ils étaient « trop expérimentaux » ou « pas assez commerciaux » et ils n’étaient pas soutenus. Alors que de nos jours, tu peux trouver une audience et te connecter tout autour du monde. Je ne sais pas si j’aurais lancé Lascar à l’ère pre-Internet. 

RMS : Etant donné que tu crées seul toutes tes chansons, quel est ta principale manière de composer ? Composes-tu d’abord les morceaux avec des instruments ou utilises-tu des logiciels ? Et quelle est ton moment préféré ? 

G.H. : Je décide de tout de mon propre chef, j’ai longtemps fait de la musique avec d’autres personnes mais je voulais que Lascar soit mon projet solo personnel. Les parties de batterie sont faites avec un logiciel alors que pour la basse, la guitare ou les claviers j’utilise les instruments (parfois différentes guitares d’ailleurs). Tout le processus de création me plaît, c’est bien pour ça que je le fais d’ailleurs. Mais si on me demande ce que je préfère, je dirais que c’est quand j’enregistre la deuxième guitare, celle qui guide la mélodie ; c’est là qu’on peut vraiment sentir la chanson prendre forme.  

RMS : Tous les artworks de Lascar correspondent à l’atmosphère du groupe. Comment sont-ils composés ? 

G.H. : Comme je l’ai dit plus tôt, je choisis généralement des peintures qui représentent la nature : des animaux, des paysages, des plantes… Je cherche aussi quelque chose qui représente correctement l’ambiance de l’album, c’est pourquoi je passe beaucoup de temps à chercher l’image correspondante, la plupart du temps alors même que j’enregistre encore l’album.  

RMS : Quelle importance donnes-tu aux plages ambiantes, aux passages mélodiques et aux moments plus pêchus ? Comment tiens-tu compte de cela dans l’équilibre de l’album ? 

G.H. : Ca dépend… Je pense que la structure d’une chanson est une des choses les plus importantes dans la création d’un morceau alors que beaucoup de personnes n’en tiennent pas du tout compte. Mais parfois, il faut faire des choix… Un crescendo ou un changement brusque ; la manière d’incorporer le refrain ; les couplets… Je pense que j’ai parfois fait des erreurs dans ces choix, en laissant un riff durer trop longtemps ou en faisant des parties trop répétitives mais j’ai tendance à être amoureux de certaines mélodies et je ne veux pas réduire leur durée. Et j’aime plutôt cela, j’aime ce sentiment d’être à l’intérieur du son et non d’écouter simplement quelque chose. 

RMS : Dernière question – Quels conseils donnerais-tu à des musiciens qui souhaiteraient démarrer un projet solo comme le tien ?  

G.H. : De toutes les choses, la plus importante est de faire la musique qui nous plaît. Pas ce qui est à la mode ou ce qu’on pense cool ou facile. La seule chose qui compte est de se faire plaisir. 


Voilà tout pour l’interview de Gabriel Hugo, chef d’orchestre démiurgique de Lascar. N’hésitez pas à aller le soutenir sur sa page Bandcamp où il a sorti récemment son dernier EP ! 

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.