YAWNING MAN - Pavement Ends, Sous le soleil de Coachella

YAWNING MAN - Pavement Ends, Sous le soleil de Coachella

Chroniques 14 Novembre 2025

(Heavy Psych Sounds Records, 2025)

Depuis près de 40 ans, Yawning Man trace son chemin dans le sable du désert californien.

Fondateur d’un son à part, où se mélangent psychédélisme, surf rock et stoner, le groupe de Gary Arce et Mario Lalli n’a eu de cesse de transformer le silence brûlant de la vallée de Coachella en un forme de poésie instrumentale hypnotique. C’est avec Bill Stinson à la batterie qu’ils reviennent en 2025 avec Pavement Ends, un album qui prolonge cette quête introspective tout en peignant la chaleur extérieure de leur son.

Encore à contre-courant du stoner rock souvent centré sur les riffs massifs, Yawning Man en propose une version contemplative, fluide, presque méditative. La musique avance comme une illusion, un mirage sonore, construite autour de guitares étirées, de lignes de basses telluriques, d’une batterie carrée et d’un drône vaporeux sculptant un ensemble à la fois dense et aérien, comme allongé dans le sol, les yeux rivés sur le ciel.

Bomba Negra”, premier extrait de l’album, condense parfaitement cette dualité. Lent et magnétique, le morceau évoque une traversée à pied sous un soleil de plomb, où chaque note de basse de Mario Lalli marque un pas dans la poussière, chaque vibration de la guitare de Gary Arce nous permet de respirer ce vent chaud et agréable, sous la batterie presque mécanique de Bill Stinson fonctionnant comme des battements de coeur, nous guidant vers un horizon lointain et incertain.

Pavement Ends

  1. Burrito Power
  2. Gestapo Pop
  3. Bomba Negra
  4. Dust Suppression
  5. Pavement Ends
  6. Bad Day To Be Alive

Ces six titres résument à eux seuls la philosophie du groupe: peu de mots, mais un monde entier caché derrière chaque nom.

Des titres tantôt ironiques (Gestapo Pop, Burrito Power), tantôt évocateurs (Dust Suppression, Bad Day To Be Alive), qui traduisent cette ambiguïté propre au groupe - entre humour absurde, mystère, interprétation et gravité désertique.

Ce qui fait la spécificité de Yawning Man ici, c’est cette capacité à transformer le désert en état d’esprit. Avec Pavement Ends, les paysages deviennent intérieurs: un espace rêvé, contemplé où la musique nous invite à nous laisser envelopper par la chaleur et la lumière.

Dust Suppression” se détache particulièrement: plus que les autres morceaux, il agit comme une invitation au rêve, une inspiration suspendue entre deux silences presque tangibles. On y perçoit un appel au retour du soleil, comme si la musique dissipait la poussière dans l’air pour révéler une lumière nouvelle. Chaque note respire et nous suggère un souffle neuf, un véritable moment d’éveil intérieur au cœur du disque.

La pochette est le fruit de la première collaboration du groupe avec l’artiste Diane Bennett de Joshua Tree. Représentant par ses couleurs et ses textures à la fois le ciel brûlant, l’aspect psychédélique de la musique et le sentiment de solitude dans sa contemplation: ce panneau laissé à l’abandon, jamais remis à neuf ou encore ces graffitis qui évoquent les mythes, l’histoire du désert et ses horizons avec en son centre le lièvre, symbole du groupe, lien avec le monde des rêves et la spiritualité, à la fois guide et messager dans la culture amérindienne.

Plus qu’un simple retour en studio, Pavement Ends est une déclaration d’identité, la continuation de créer des paysages sonores inimitables, jouant entre contemplation et puissance, entre physique et spiritualité, à la fois brute et poétique. Chaque morceau de l’album est une invitation, il n’existe pas qu’une seule façon de les ressentir.

Le groupe laisse à chacun la liberté de marcher à travers ce désert sonore pour se construire sa propre vision, selon ses émotions, son imaginaire et ses propres codes.

Finalement, sans jamais chercher la lumière des médias, Yawning Man continue d’exercer son influence underground et considérable. De Kyuss à Fu Manchu en passant par Queens of the Stone Age, nombreux sont ceux qui ont su puiser dans leurs ambiances et leur sens du paysage sonore.

Mais Pavement Ends ne regarde pas en arrière. Il prolonge la route là où le bitume s’arrête grâce à un sillon presque imperceptible dans le sable, dans un territoire mouvant où le stoner rock devient contemplation, et où chaque vibration se transforme en vision. Un nouveau territoire à explorer, traverser, rêver, ressentir, sous le soleil infini de Coachella.

Fermez les yeux et ressentez le sable chaud sous vos pieds.

A propos de Guillaume W

Guillaume est grand comme son âge et aime écouter les sons qu'il veut écouter. Passionné de métal, de jazz et de jeux-vidéos, il arrive en big 2025 pour nous régaler les yeux de ses avis auditifs.