Victory over the Sun - Dance You Monsters to my Soft Songs
Dance you Monster to my Soft Songs, le titre renvoie évidemment aux auditeurs, que la musique blâme : ce n’est pas la musique qui est dure, au contraire, mais l’auditeur qui est monstrueux. Victory over the Sun inverse le stigmate, retourne l’accusation et crée tout autour de ça.
Thorns Woos the Wound est l'œuvre principale de l’album avec plus de 16 minutes qui commencent de manière assez carrée avant de devenir plus chaotique. La voix aiguë et la structure de la composition rappellent un peu Liturgy (avec un mix plus brut) mais, contrairement au dit groupe, le chaos ne se trouve pas dans les superpositions rythmiques mais au contraire dans le recours à plusieurs couches de guitare, ce qui permet tantôt des phases dissonantes et tantôt un contraste entre une progression sombre et une autre plus lumineuse. C’est cette superposition d’atmosphères que l’on va retrouver tout au long du morceau, avec par la suite un passage jazzy plutôt lumineux et une voix Black Metal qui n’est pas criée, mais qui apporte sa rudesse. On notera que malgré la longueur du morceau, on ne voit pas le temps passer car il arrive à être divers tout en restant cohérent : la superposition de différentes pistes instrumentales se fait progressivement et permet de passer d’une atmosphère à une autre par un travail mélodique bien effectué. Le morceau évolue ainsi d’un chaos initial à une douceur relative, en gardant toujours des fenêtres ouvertes (loin d’un Black Metal caverneux et étouffant à la VI) comme son dernier moment qui sonnerait presque Dreampop, extrêmement léger mais où la seconde guitare fait régulièrement des apports de dissonance qui nous rappellent que notre douceur cache la barbarie.
WHEEL s’ouvre avec beaucoup de fuzz et de saturation et ressemble à s’y méprendre à un morceau de Noise tant tout y est crépitant. Le morceau est bien plus linéaire que son prédécesseur (donc, fatalement, moins intéressant) mais a toutefois un certain intérêt : celui d’un mélange des styles au sein de l’album, puisque à mesure que le morceau avance, certaines couches se révèlent comme un synthétiseur vers la fin qui transperce le bruit blanc.
The Gold of Having Nothing sonne Post-Rock avec ses guitares légèrement distordues auxquelles se mêle un saxophone tout en legato pour faire une progression qui va chercher des points de tension en-dehors de la mélodie. Au-dessus de cela, le chant guttural est sous-mixé et se répand comme une nappe qui accompagne le thème guitare/saxo et son évolution puisque celui-ci évolue et se développe peu à peu pour finir sur des soubresauts de dissonance et de Black Metal, des passages extrêmements percussifs alors que le reste du morceau est plus lié.
Madeline Becoming Judy est un morceau en 15/16 ce qui est déjà peu commun, et on retrouve la marque de fabrique de superposition des lignes mélodiques, celles d’un chœur défaillant. La batterie en blastbeats empêche de trouver des repères mélodiques ce qui renforce le sentiment de manquer un battement du 15/16. Après un passage au synthé’ artificiel se rapprochant du clavecin, on se délectera de la mélodie aux relents d’orgue des années 80s car elle tranche radicalement avec les guitares lourdes et le mixage brut de l’album. Ce morceau semble être leur expérimentation rythmique, car les signatures asymétrique y sont légion : ⅝, 15/16, et ce n’est que sur la fin, avec une mélodie au synthé à laquelle se joint la guitare que le morceau semble reprendre de la tenue : mais si Victory over the Sun nous apprend quelque chose, c’est que tous les passages agréables, facile à appréhender, sont en réalité traîtres, et c’est pour ca qu’on y retrouve toute la dissonance et l'âpreté du Black Metal et de la Noise.
On finit sur Black Heralds, un autre morceau de 10 minutes après le précédent. Les deux guitares forment une sorte de canon dissonant, comme si on avait échoué à écrire du contrepoint. Le morceau retourne à un style lourd et noisy (qui n’a jamais réellement quitté l’album, seulement il est plus marqué sur ce titre-ci). Difficile à croire, mais le morceau est encore plus chaotique car il a un passage complètement libre rythmiquement qui est suivi par un passage de hautbois avant de laisser les guitares créer une atmosphère par accords tenus très longtemps et une question : le morceau est-il fini ou non ?
Car c’est bien l’objectif de cet album que de nous faire se questionner : tout y est en permanence paradoxal, double : ses atmosphères, ses structures, ses mélodies. C’est que, comme l’indique le titre, toute œuvre d’art demande deux pôles : l’objet créé et son auditeur. Rien n’est alors clair ou univoque, et ce qui nous plaît peut-être en réalité délétère. Le travail des morceaux, le mélange des genres, le retournement de l’accusation nous renvoie alors à nous-mêmes : toi, auditeur de musique? penses-tu réellement la servir ?
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.