Teitan - In Oculus Abyss
Chroniques
4 Janvier 2024
Teitan avait déjà fait parler de lui avec Vakuum, et le revoilà avec In Oculus Abyss, le deuxième album du one-man band néerlandais. La jaquette semble nous renvoyer à un ange tout droit sorti de la Bible, mais les thèmes y sont profanes et se reflètent totalement dans la musique.
L’obscénité est assumée avec Menstrual Blood and Pomegranate, un morceau qui introduit dès le début des sons presque ludiques, tirés d’une fanfare. Les voix alternent entre un chant guttural parfois aigu et glaireux, parfois caverneux et grave et des voix claires assez pompeuses. Les guitares tiennent leurs accords pour entretenir une atmosphère sombre mais toutefois laisser assez d’espace aux différents éléments que l’album introduit, qu’il s’agisse des guitares dissonantes ou des samples électros, grands-guignolesques, etc.
La durée correcte des morceaux (5 min.) permet de passer assez vite d’une atmosphère à une autre, et c’est ce que fait From Under the Floorboard qui est plus mélodique avec sa guitare sans distorsion et son chant clair. Ce morceau-ci est tout en contraste et fait la part belle aux différents types de chant, parfois clair, parfois saturé aigu, parfois rauque et grave, avec des effets dans la voix, etc.
Murder Me, à la suite, est plus calme encore avec quasiment aucun élément Black Metal mais seulement des arpèges à la guitare sur lesquelles la voix s’ajoute. Les samples réverbérés en fond construisent un espace vide dans lequel la musique nous est renvoyée en écho. Ce n’est que vers la fin que les guitares saturées arrivent, avec des riffs assez aigus et froids qui transpercent bien et qui se marient bien avec les voix elles-mêmes plutôt hautes.
Ces espaces vides se retrouvent dans le bourdonnement de Drowning in Knowledge avec quelques notes de synthétiseur parsemées, la grosse claire qui vient faire des faux départs, mais surtout : rien. C’est un morceau où il ne se passe rien, seulement l’évolution de la tension initiale qui s’intensifie, qui s’accélère, jusqu’à aboutir sur…
Insectoid qui est pour le coup immédiatement Black Metal, et où la guitare et les synthétiseurs font des progressions dissonantes et hypnotiques dont le but est de nous mettre mal à l’aise. Les blastbeats nous privent de tout repère rythmique et la voix caverneuse est travaillée pour être sensiblement incompréhensible et se perdre dans le mur sonore, de sorte qu’on ne sache pas vraiment d’où elle vient, comme une voix surnaturelle. Quand le morceau s’éclaircit en revenant à une noire marquée sur le tom basse, ce n’est que pour amplifier son hypnotisme par une dimension rituelle puisque le rythme marqué et la répétition des mêmes notes de guitare ont tout d’une transe.
The Die is Cast, est bien plus étrange puisqu’il entremêle ses voix et des accords ouverts. En ce point comme dans sa rythmique, il rappellerait sans hésitation Paracletus de Deathspell Omega. Bien sûr, il en diffère dans son chant (plus lyrique), dans son usage du violon mais ses références classiques comme son atmosphère blasphématoire recourant aux chants classiques sur des accords ouverts sont dans une trajectoire similaire.
On revient dans l’obscène avec Public Masturbation qui est chanté avec Rami Wolh de Cthuluminati, ce qui permet d’avoir des chœurs mêlant chant diphonique et un texte scandé. Le morceau retourne à une dimension rituelle dans ses toms et ses arpèges de guitare, rappelant Schammasch (et c’est pas un compliment dans le vent !).
On s’approche de la fin de l’album avec Gang Mahal qui continue la dimension rituelle avec ses accords de guitare tenus mais qui revient assez vite à une frénésie Black Metal bien composée, bien que les blastbeats me semblent particulièrement secs sur ce morceau. La structure erratique mêlant des voix doublées, une batterie rapide et des guitares dissonantes ainsi que des chants ritualistes rappelle Dodheimsgard (mais pas le dernier album !).
Enfin, le morceau se clôt sur Purple Void qui s’entame par un passage mélodique chanté en voix claire. L’introduction ressemble presque à une ballade mais ce serait oublier tous les éléments de tension qui s’y mêlent et qui culminent en milieu de morceau avec du Black Metal dissonant qui passe rapidement d’un riff à un autre en s’appuyant sur des toniques ou des notes augmentées. Enfin, l’album se finit sur un passage plus léger qui vient nous apaiser avec de la guitare claire, et c’est presque dommage puisque In Oculus Abyss s’est tant construit autour des tensions que je trouve regrettable de les résoudre pour finir.
L’album reste néanmoins très bon, et Teitan est cruellement sous-côté au vu de la qualité des compositions qui sont à la fois travaillées et diverses, alors que ce n’est qu’un one-man band, rappelons-le.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.