Dodheimsgard - Black Medium Current

Dodheimsgard - Black Medium Current

Chroniques 5 Octobre 2023

Difficile de s’attaquer à un groupe aussi légendaire dans l’avant-garde que Dodheimsgard. Après 8 ans de silence et une discographie sans faute, le groupe revient et c’est toujours la même question qui revient : vont-ils réussir à se renouveler ? Le groupe ayant l’habitude de mêler le Black Metal avec des samples et des musiques traditionnelles (entre autres), que trouvera-t-il cette fois-ci pour nous surprendre

Un premier élément de réponse est donné par Et Smelter, premier morceau de l’album et également un des plus conséquents avec 10 minutes au compteur. On y découvre déjà un Black Metal mélancolique au départ assez classique, mais on peut constater que le mixage est moins sec que les précédents albums, il laisse plus de place aux harmoniques et aux résonances. Le chant prend une place intéressante car, sans être dissonant, il crée une tension en allant chercher des tons en-dehors de notre gamme traditionnelle, ce qui crée une étrangeté dont le groupe est friand. Il en va de même pour le piano et le piano, qui dispersent avec parcimonie leurs notes sur la masse sonore du tremolo picking, afin de créer des éléments de tension. Cette structure sera reprise par la suite avec la première introduction d’accords au synthétiseur pour un premier élément inspiré de l’Electro - nous voilà rassurés, si la structure est pour l’instant simple, c’est bien le Dodheimsgard que l’on connaît.

Tankenspinnerens Smerte continue lui aussi avec une structure assez classique et linéaire avec un Black Metal assez classique mais mixé légèrement en retrait pour mettre en avant les voix claires comme la voix saturée qui viennent créer des bizarreries. Le tiers du morceau confirme que cet album s’ancre dans un travail des atmosphères au travers de la voix et des éléments lyriques et est moins rhapsodique et percussif que ses prédécesseurs comme Supervillain Outcast. Le plus gros de la composition passe par des instruments “classiques”, les structures sont facilement identifiables et les passages d’un moment à l’autre sont plus naturels.

L’album est moins dans l’expérimentation et témoigne d’une plus grande maturité musicale puisque s’il explore un terrain plus restreint, il explore ses matériaux musicaux bien plus en profondeur. Interstellar Nexus continue dans ce sens et rejoue les gimmicks classiques de cet album dans son chant et dans ses guitares. C’est toutefois ce morceau qui introduit dans l’album la présence d’éléments percussifs semblables à des musiques rituelles, et c’est très agréable puisque leur rythmique est reprise et retravaillée sur le reste du morceau, ce qui lui donne un côté groovy qui accentue sa dimension hypnotique - à laquelle participent le synthétiseur et les guitares, qui sont nettement moins présentes et se contentent de boucler les mêmes notes. Ce n’est qu’à la fin, avec une boite à rythme et un rythme presque Jungle que l’on retrouve le Dodheimsgard que l’on connait, car le groupe semble être passé d’une logique boulimique de superposition de plein de couches différentes à l’unification de plusieurs lignes au sein d’un même thème et du travail de celui-ci dans la répétition, ce qui est assez paradoxal. 

Cela nous donne toutefois un album bien plus ouvert, moins oppressant mais plus bizarre à bien des égards comme nous le confirme It does not follow. Le morceau reprend encore une fois la méthode synthétiseurs + chant dysharmonique du reste de l’album pour prendre une dimension mystique, ce n’est que vers la fin de son premier tiers que l’on entend du Black Metal. Le morceau est très bon, c’est à mon sens le meilleur pour illustrer la dimension atmosphérique de l’album dans ses progressions à la guitare - que celles-ci soient saturées ou non.

Et cela se confirme dans l’interlude au piano qu’est Voyager, qui rappelle peut-être la sonde et les prétentions “spatiales” de l’album puisqu’un synthétiseur s’y mêle de temps en temps pour des sons tout droit tirés de la science-fiction.

Halow continue de s’inscrire dans la lignée de l’album en ajoutant couche par couche ses lignes : guitare, batterie, basse, chant puis synthé, en créant d’abord une atmosphère puis en les faisant évoluer en ajoutant de la dissonance ou bien en incorporant les éléments du passage à venir.

Det Tomme Kalde Morke se rapproche déjà plus du Dodheimsgard des albums précédents avec une section rythmique bien plus frénétique et des guitares bien plus présentes. La première partie du morceau cherche à créer une ambiance délibérément violente, contrairement au reste de l’album, mais retrouve bien vite une dynamique plus classique.

L’avant-dernier morceau, Abyss Perihelion Transit, se présente comme un rituel avec sa quasi absence de mélodie pour n’avoir que des voix et des samples ambiantes. Et cela se confirme dans sa rythmique qui mobilise beaucoup les toms et les contre-temps. Enfin, Requiem Aeternum finit l’album avec seulement du piano, des claviers et du violoncelle. Le morceau est étonnamment calme, mais ce n’est pas pour autant que l’album “retombe” c’est plutôt qu’il semble que Dodheimsgard ait atteint une forme de stabilité musicale. D’une avant-garde qui met ses doigts partout (pour le meilleur comme pour le pire), il semble que le groupe ait conservé un attrait pour le bizarre que l’on retrouve dans les synthétiseurs, les chœurs et le chant mais que celui-ci se manifeste désormais par un travail des atmosphères. Ce travail était bien sûr déjà présent dans les albums précédents comme avec All is not self mais cet album est le premier qui pousse cette dimension à son apogée. 

Black Medium Current pourrait alors déplaire aux fans traditionnels de Dodheimsgard, pas parce que l’album est mauvais, loin de là, il est même très bon, seulement il est moins chaotique et nerveux. On est alors passé d’une Avant-garde excitée à un très bon Black que l’on pourrait qualifier de “Progressif”. On y trouve alors moins de choses diverses collées les unes contre les autres, il y a moins de diversité à se mettre sous la dent et qui fasse office de pot-pourri dans lequel on trouve forcément quelque chose d’intéressant, mais les thèmes et les atmosphères y sont plus travaillées.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.