Grey Aura - Zwart Vierkant
Une de mes sorties de l’été est Zwart Vierkant de Grey Aura. L’album est paru chez Onism Productions, qui est pour moi un des meilleurs labels de Black Metal puisqu’ils produisent énormément de Black Avant-garde.
Le groupe évolue dans des rythmes déstructurés auxquels s’associent beaucoup d’éléments industriels et de références diverses. Le groupe reprend des extraits de film, du flamenco, des passages de guitare espagnole, du Jazz, et beaucoup de subtilités musicales. Tout cela contraste évidemment avec la rugosité du Black Metal et du néerlandais, qui sont les deux origines du groupe. Pour ma part, j’avais déjà beaucoup aimé le deuxième album de l’ensemble, qui conservait un son plus brut, mais il faut reconnaître que ce nouvel album a su apporter son lot de nouveautés.
Mais pour l’auditeur qui connait le groupe, la première surprise est paradoxale car on découvre des reprises du groupe lui-même ! Paris Is Een Portaal et De onnoemelijke verleidelikheid van de bezwijkende deugd sont présents dans deux albums de Grey Aura. Néanmoins, Zwart Vierkant ne les a pas laissés intacts et on peut noter les modifications qui leur ont été apportées, tant dans le mixage qu’au niveau du chant. On appréciera ainsi la diversité des voix : non seulement le chanteur a une voix extrêmement reconnaissable, qui tend vers le cri, mais surtout il y a beaucoup de tessitures et d’effets différents. On retrouve ainsi de la distorsion, des passages féminins, des chœurs saturés, de l’autotune, des chuchotements, etc.
Les autres instruments ne sont quant à eux pas en reste puisqu’ils sont souvent accompagnés d’effets, de triggers ou de samples qui altèrent leurs sons pour distordre l’harmonie générale du morceau. Le seul instrument qui reste plutôt régulier est la basse, qui a une place prépondérante dans les morceaux car elle vient ajouter du rebond en jouant sur les contre-temps. C’est tout le contraire pour la guitare, qui brouille les pistes en jouant des riffs dissonants qui cherchent moins à construire qu’à remplir l’espace sonore. La basse est donc souvent la seule référence que nous avons à travers les structures imprévisibles des morceaux. Elle ne se voit donc pas restreinte à un rôle de support rythmique, elle est le véritable cœur de la composition autour duquel les autres instruments gravitent.
Ce rôle est rendu d’autant plus important par la multiplicité des instruments. En brassant des styles différents, le groupe crée un bouillonnement informe où se mêlent des influences Jazz, folkloriques, classiques ou évidemment Black Metal. Ce mélange range Grey Aura dans ces groupes à la Solefald où chaque morceau est une surprise.
Mais la diversité seule n’est pas un critère suffisant pour dire d’un album qu’il est bon ou non. Ce qui compte est la manière dont des éléments épars sont assemblés dans un morceau. C’est là que Grey Aura transforme l’essai grâce à une diversité évidente, celle des changements de genres musicaux dans les morceaux, et une diversité plus subtile dans tous les apports et les légères variations qui sont apportées aux pistes musicales et qui ne se révèlent qu’à l’auditeur attentif. On découvrira ainsi des trombones, des castagnettes ou des « bruitages » (pour reprendre le terme qu’utilise le groupe) en-dessous de riffs rapides et dissonants qui nous rappelleraient Deathspell Omega. Tous ces apports témoignent du soin que Grey Aura apporte à ses compositions, et c’est bien parce qu’il y a un travail fin que des morceaux comme El Greco In Toledo ou Rookslierten, flessen peuvent transmettre leur ferveur avec autant de force.
Toutes ces subtilités gardent néanmoins un but commun : la dissonance. Étant donné que le groupe brasse des influences diverses, beaucoup de passages ne devraient pas être aussi dissonants que le Black Metal peut l’être. Mais en ajoutant du chromatisme, des trompettes dissonantes ou des râles en fond, le groupe vient à la fois corrompre l’unité apparente et corrompre encore plus que le Black Metal lui-même car il ne s’agit pas de sons auxquels notre oreille est habituée. Par conséquent, en repoussant franchement les limites de l’habitude, le groupe se met dans une position complexe où la dissonance du Black Metal est redoublée. C’est dans ces instants que les timbres clairs des cuivres et des synthétiseurs ou les structures plus stables apportent un équilibre nécessaire, sans lequel les compositions tomberaient dans de l’expérimentation incompréhensible.
Zwart Vierkant est donc de ces albums contradictoires qui sont à la fois très divers mais, de fait, immédiatement reconnaissables. Avec pas moins de 19 pistes d’instruments différents dans l’album, on se doute bien que l’album ne va pas ressembler à du Black orthodoxe ni à ce qu’on appelle communément « progressif » ou « Post-Black ». C’est à double tranchant. Les amateurs de Black classique qui cherchent des morceaux carrés qui transpirent la haine ne vont sans doute pas accrocher à cet album, car, bien qu’il reste véhément dans son immense majorité, il ne se manifeste que par sursauts et dans des structures saccadées. Mais c’est également la principale force du groupe, à savoir expérimenter et incorporer beaucoup de sons nouveaux sans se limiter aux formes communes, et c’est là que le groupe va plaire aux auditeurs en quête de nouvelles sensations.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.