Dynfari - Myrkurs er þörf
Porté par un artwork du studio Metastazis
qui évoque tant un flocon qu’un cristal, Myrkurs er þörf fait basculer Dynfari
dans une dimension plus symbolique. Si la référence au à l’hiver est évidente
pour un groupe islandais, le Black Metal qu’il produit sera-t-il aussi froid et
tranchant que son design ?
Ce n’est pas ce que le premier morceau, Dauðans
dimmu dagar, laisse entendre puisqu’il démarre sur des sons graves et tenus
qui sont assez hypnotisants. La guitare et la basse sont légères et nous
enveloppent d’un Post-Rock nocturne comme on en trouvait dans le morceau 1st
Door: Sleep de leur album The Four Doors of the Mind. La batterie en
cross-sticks accompagnés d’une ride légère confirme la volonté du groupe de
faire une introduction en douceur grâce à une impression de flottement. Mais le
morceau ne stagne pas pour autant : une levée de batterie vient démarrer
les guitares saturées dont le son légèrement plus grave se démarque du son
classique du Black Metal, les plaçant plus proches d’un son de Woods of
Ypres, d’autant que le tempo est plutôt lent. Cette seconde partie inaugure
donc le Black Metal de l’album sans sacrifier l’aspect planant pour autant,
d’autant que la transition sur les toms confirme la volonté de développer une
atmosphère nimbée par sa rondeur.
L’ancrage Black Metal du groupe se manifeste bien plus dans Langar
nætur (í botnlausum spíralstiga) et ses guitares malsaines. Un hurlement
fantomatique entame enfin le chant si charactéristique de Jóhann Örn, un moment attendu avec impatience tant le
chanteur de Dynfari a une voix unique : très expressive sans être
trop aiguë ou nasillarde pour autant. Malgré les guitares saturées qui
développent le thème lyrique du morceau, un solo shred perçant tranche dès le
début du morceau par sa technicité dans un groupe qui met plus l’accent sur la
simplicité d’atmosphère. La construction de Langar nætur (í
botnlausum spíralstiga) continue notamment dans cette lancée avec des
passages de Black lents et plutôt déliés et des passages de guitare soliste.
Cela permet au groupe d’avoir une atmosphère pesante tout en se permettant des
envolées portées par la guitare soliste et la voix d’outre-tombe.
Le chant paraît en effet distant car il semble toujours sous-mixé, distant,
tout en étant parfaitement audible et en ayant beaucoup de relief grâce aux
sonorités agressives de l’islandais.
Cette voix sert à merveille la dimension
Depressive Suicidal Black Metal du groupe, ancrage que l’on retrouve énormément
dans l’éponyme Myrkurs er þörf. Et ce dès son introduction avec les
guitares trainantes et le chant qui alterne entre un chant Black et une voix
gémissante. De plus, la construction du morceau est assez typique du genre avec
des guitares qui se répondent dans des tonalités différentes, entrecoupées de
passages de guitare et de basse semi-acoustiques comme on peut en entendre chez
Psychonaut 4. Le morceau est donc tout à fait classique, ce qui est une
bonne chose pour un morceau éponyme car je ne doute pas qu’il touchera les
amateurs de DSBM, mais je regrette quelque peu que ce titre ne ressorte pas
plus que ça de l’album sinon par son solo intermédiaire.
Continuant à mettre en valeur les cordes,
Ég fálma gegnum tómið met en valeur la basse avec son introduction en
légatos qui donne l’impression que l’album fond et sombre, ce qu’accentuent les
guitares au son sursaturé. Tout est lourd et poisseux, la pesanteur
existentielle nous envahit et le rythme lent et net marque l’implacabilité de
ce sentiment. Cette moitié d’album inaugure ainsi la partie la plus sombre de Dynfari,
et paradoxalement celle où le groupe met en avant ses meilleurs atouts :
ses duos de guitares distinctes, l’une en accords longs et graves qui
remplissent l’espace sonore tandis que les arpèges médiums de l’autre tissent
la mélodie. Il y a aussi toute la diversité du groupe qui transparait avec des
influences Shoegaze en fond mais aussi un passage parlé qui donne une autre
dimension à la voix de Jóhann Örn. Ég fálma gegnum tómið est donc une belle réussite
car il est très lourd à entendre, c’est un morceau rempli de sentiments maussades
qui n’autorisent aucune lumière.
Svefnlag est alors paradoxal puisqu’il s’agit très clairement d’un morceau de
Shoegaze, ce qui est très vite reconnaissable par ses samples clairs et
aériens, sa guitare qui nappe l’espace sonore d’un trémolo picking très aigu et
tranchant, tandis que la basse évolue longuement sur son manche en liant tous
ses mouvements pour prêter sa chaleur. Certes, le morceau précédent avait des
passages de Shoegaze en fond, mais Svefnlag est une rupture nette avec
la première partie de l’album tant il semble calme et serein.
Si l’on s’attend donc à ce que Myrkurs
er þörf prenne une teinte positive, c’est bien en vain puisque les
premières notes de Ég tortímdi sjálfum mér retombent dans le DSBM avec
un hurlement qui nous assomme comme celui du Gala des gens heureux de Gris.
La ressemblance s’arrête pourtant ici car Dynfari a une dimension
beaucoup moins symphonique que Gris. Ainsi, si le duo québécois recourt
énormément au piano, nos Islandais lui préfèrent les notes de synthétiseur, ce
qui crée un contraste car leurs sonorités apportent de la légèreté au morceau.
Cette nouveauté n’est pourtant pas la seulle du titre puisqu’on y retrouve des
patterns rythmiques intéressants comme un backbeat au fond des temps qui fait
ressortir le phrasé des percussions et confirme que la simplicité apparente
n’est qu’une façade mais que le groupe sait se satisfaire de ressorts musicaux
simples mais efficaces pour ses compositions.
Ce n’est pourtant pas la simplicité qui
marque le début de Peripheral Dreams puisque le morceau est long de dix
minutes et qu’on y retrouve des blastbeats complets tenus à un rythme plutôt
véloce. Réalisés avec les charlestons semi-ouverts et accompagnés de guitares
Black, l’espace sonore dégueule mais le mixage du morceau rend ce passage
totalement mat, sans résonnance, ce qui permet au chant de venir se placer sans
être effacé. Cet avant-dernier morceau a beaucoup de similarités à la seconde
partie d’Ecailles de Lune d’Alcest, que ce soit dans sa première
partie à la batterie, dans ses guitares aux influences Shoegaze ou dans ses
atmosphères d’introspections portées par un chant reconnaissable entre tous.
Mais il s’agit là bien plus d’une comparaison que de réels points communs car Dynfari
garde une spécificité islandaise tout au long de l’album qui l’empêche de
ramener le groupe à la mode du Post-Black actuelle. Une fois l’introduction
passée, Peripheral Dreams se ralentit dans des passages en ternaires
lents et persévère dans sa la lenteur en faisant un léger changement de tempo
au milieu du morceau. Ce hiatus inaugure la dernière partie du morceau avec une
reprise du thème de l’introduction puis un passage avec un chant clair tenu qui
accompagne la musique, s’en distingue à peine derrière la guitare mais lui
confère un grain solennel qui est le bienvenu en cette fin d’album.
Car nous arrivons déjà sur la dernière
piste avec Of Suicide and Redemption. Si l’on pensait avoir tout vu,
c’est se tromper lourdement car notre dernier titre commence avec une basse en
improvisation jazzy, avec des jeux à la pédale, ce qui n’est pas du tout
raccord avec l’ambiance véhémente du Black qui arrive ensuite. La musique qui
suit est effectivement beaucoup plus énergique, ne serait-ce que grâce un tempo
plus rapide et un rythme plus fourni. Peut-être touche-t-on enfin la dimension
engagée de l’album puisqu’il y a plus qu’une spiritualité personnelle mais
aussi le témoignage politique de refus d’être un moyen subordonné à une fin. Le
morceau alterne ainsi entre ces deux dimensions, spirituelles et
revendicatives, ce qui lui permet le ternaire. Malgré un album très pessimiste,
Of Suicide and Redemption semble alors remonter la pente avec ses
« I will not play your suicidal games anymore » chuchotés, parlés
puis hurlés, du chant Black aigü au growl Death. S’il parait donc paradoxal
qu’un album si désespéré se close sur un tel morceau, c’est pourtant ce qui
arrive, avec son envolée lyrique de fin portée par la voix virtuose de Jóhann Örn et sa fin en fade-out dont le coup de gong résonne en point
d’orgue final.
Si la fin peut quelque peu décevoir car un album digne
de ce nom ne mérite pas de fin en fade-out, l’ajout d’un gong confirme que ce
n’est pas un choix de facilité mais la volonté de laisser la musique résonner.
En effet, la musique de Dynfari est une musique d’ambiance : non
qu’elle soit simplette, mais qui prend de l’espace et a besoin d’une écoute
équilibrée pour révéler tous ses charmes. Car si les morceaux sont moins
techniques que d’autres groupes de Black Metal, la sensibilité, elle, est bien
présente et donnent à Dynfari la fragilité si précieuse du DSBM. Et tout
cela est magnifiquement porté par les guitares et la voix de Jóhann Örn qui a
une tessiture impressionnante sans jamais manquer d’authenticité. Si Myrkurs er þörf n’a rien de révolutionnaire pour autant,
c’est un très bon album et un galon de plus dans la discographie de Dynfari.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.