Interview Anomalie - Français
Lors du Cernunnos Pagan Fest, j’ai eu l’occasion
d’interviewer Marrok, cerveau du projet de Black Metal Anomalie !
Composition, développement personnel et politique, plusieurs sujets ont été
abordés pour une interview intéressante !
Pour une retranscription plus fidèle de la discussion, vous pouvez retrouver la version originale (anglais) ici: Interview Anomalie - English
Radio Metal Sound : Anomalie a débuté
avec Between the Lights qui est un album plutôt sombre et déprimant. Il
semble désormais que ce soit un projet plus axé vers la spiritualité. C’est
pourquoi je me demande si tu as débuté ce projet avec l’idée d’un chemin
spirituel vers la guérison ou est-ce que ce n’est qu’un exutoire sans
plan ?
Marrok : Oui, tout est venu très naturellement…
J’ai toujours voulu que ce soit un canal pour m’exprimer et le développement
que l’on peut entendre d’une sortie à l’autre suit plus ou moins mon
développement personnel. Bien sûr, les premiers jalons ont été posés quand
j’avais 19~20 ans et 10 ans après on n’est plus le même, ça s’est développé
comme ça me semblait bon
Radio Metal Sound : Ça explique pourquoi c’est
un one-man band
Marrok : Exactement ! Il y a des groupes
qui doivent être des groupes et il y a des projets comme celui-ci où il faut un
seul esprit pour composer. Mais je ne suis pas le seul à avoir une influence
sur le rendu final car bien que ça ne soit écrit que par une personne, je garde
en tête mon batteur pour le studio car même si je peux écrire de la batterie et
que je peux un peu en jouer, ce serait une plaie de tout faire seul et pourquoi
je m’emmerderais à faire ça si j’ai un proche qui est bien meilleur que moi
dans l’exécution ? D’autant que pour moi ça n’a jamais été une question
d’égo de tout faire seul et la musique reste quelque chose qui rapproche les
gens et qui les unit, donc c’est un peu entre les deux, bien que l’aspect
créatif me soit propre
RMS : J’ai lu une interview dans laquelle tu
disais que tu voulais garder « un certain esprit de rébellion
vivant ». Est-ce que tu es toujours d’accord avec ça et est-ce que c’est
le cas avec Anomalie ?
Marrok : Ces mots ont différentes
interprétations car en un sens ça signifie que sur le plan musical je ne veux
pas faire partie de ceux dont on sait qu’attendre pour le prochain album. La
répétition est quelque chose que je ne comprends pas, je ne comprends pas
pourquoi des artistes se répètent pendant 20 ans, même si ça se vend bien, bien
que la plupart du temps ça ne se vende pas vraiment bien. Il y a des gros
exemples mais aussi des petits groupes qui restent bloqués dans leur vision
étriquée. Ça avait donc un sens musical, mais c’est aussi une question de
sentiment : j’essaye de retourner à mes racines, au début de ma carrière
musicale, mais je ne peux pas aller en arrière, je continue donc en avant en
faisant des choses que je n’ai jamais faites avant. On gagne et on perd de
l’audience parce que certaines personnes seront en accord avec ce que tu fais
et peu de gens aimeront tout parce que c’est toujours différent et que les gens
préfèrent avoir des choses qu’ils aiment. Enfin, sur le plan musical, j’ai
toujours été un peu triste que mes textes soient perçus comme négatifs. Je n’ai
jamais été quelqu’un de dépressif mais il m’a fallu des années pour m’exprimer
comme il le faut, pour être capable d’avoir de l’espoir et cet esprit rebelle
est ne pas prendre les choses comme elles sont pour s’en plaindre mais de
prendre son futur dans ses mains. Il ne faut pas que parler des choses, de leur
méchanceté, il faut faire quelque chose pour les changer. Bien sûr, il y a des
superstructures qui sont au-dessus de nous tous et avec lesquelles il nous faut
vivre ou il faut quitter nos conditions, notre pays ou notre région, et
recommencer autre part mais même ça c’est notre choix. C’est un des messages
que j’essaye d’exprimer entre les lignes, d’une manière plus convenable et
esthétique, plutôt que refléter un monde négatif sans donner aucune opportunité
d’en sortir. C’est quelque chose que j’essaye de conserver
RMS : Les sentiments dans ton œuvre sont
nombreux : il y a du désespoir, de l’espoir mais aussi de la délicatesse
etc. Tu as commencé à répondre à cette question mais j’aimerais savoir si tu
tiens à garder cette ambiguïté dans ton œuvre.
Marrok : C’est toujours partiellement conscient.
Chaque fois que j’entame quelque chose, je crois que je sais ce que je vais
faire, comme je veux que ça sonne et sur quoi ça portera, mais finalement la
seule chose qui compte est d’être authentique. Quoi qu’on fasse, il faut que
les gens y croient, qu’ils sentent l’honnêteté dedans. Je ne veux pas dire aux
gens comment vivre, prêcher quoi que ce soit. Je ne suis pas un vieillard ni un
sorcier vénérable, je reflète juste ce que les gens vivent et que personne
n’est parfait, mais la seule chose importante est que ce qu’on entend est à
100% mon état d’esprit lorsque ça sort. C’est mon but principal et la seule
chose que j’essaye de garder pour l’avenir
RMS : J’aimerais qu’on continue sur le thème de
la composition et précisément de la composition lyrique car j’ai remarqué que
beaucoup de tes chansons ressemblaient à des histoires. Visions sonne
comme des contes dont j’aimerais savoir si tu bases tes textes sur tes
expériences personnelles ou si tu tiens à leur donner une dimension culturelle.
Marrok : Ce n’est pas facile de répondre car finalement
ce qu’on peut entendre n’est que ma tentative de mettre des mots et des sons
sur ce qui me meut à un certain moment. Ce ne sont pas toujours des moments
particuliers, ça peut juste être un rêve que j’ai fait. J’essaye de mettre des
mots sur ce qui m’est important et d’avoir cette atmosphère d’intensité. C’est
très dur pour moi de trouver les mots justes pour ce genre de musique parce que
je suis bien meilleur pour m’exprimer avec un instrument qu’en écrivant des
paroles. Ça me prend toujours du temps de trouver le bon équilibre, qui fasse
correspondre le côté réaliste des paroles et l’aspect spirituel de la musique. Finalement
je dirais que c’est un peu entre les deux
RMS : Tu as d’ailleurs dit que ta musique était
une image de toi. Mais est-ce que tu penses que la musique t’a aidé à te
développer d’une manière ou d’une autre ?
Marrok : En ayant l’objectif de faire un nouvel
album, je me force à réfléchir sur moi, sur ce qui a changé depuis la dernière
fois, à penser certaines choses en détails, même ce qu’on ne ferait pas
habituellement comme sur des sujets désagréables. D’une autre manière, c’est
une thérapie efficace de se forcer à revoir son état d’esprit d’il y a quelques
années. C’est intéressant de voir les différences et j’aime avoir ces marqueurs
temporels à chaque enregistrement. Plus c’est vieux, plus c’est intéressant de
le laisser de côté quelques années et d’y revenir, ça sonne comme si c’était
quelqu’un d’autre. Et pourtant on s’y retrouve quand même et on peut
dire : « Cette chose me tracassait beaucoup à l’époque mais j’ai
réussi à faire avec et ça m’a beaucoup changé », c’est comme un miroir
pour soi-même
RMS : Cet aspect ouvre un grand champ de
questions mais nous n’avons plus beaucoup de temps, c’est pourquoi j’aimerais
te poser une dernière question thématique : je sais que certains artistes
ne sont pas à l’aise avec ça mais je me demande s’il y a un aspect
« politique » dans Anomalie, pas dans le sens classique du
mot, mais dans la critique qu’on peut y trouver de l’avidité, sur les questions
environnementales comme dans One with the Soil, etc.
Marrok : Je pense que c’est dans notre nature
humaine de regarder autour de nous pour voir ce qui s’y passe et de questionner
ce qui se passe y compris sur le plan politique parce que d’une manière ou
d’une autre ça nous influence. Je ne veux pas avoir trop de ça dans mes
créations mais parfois il semble bon de poser des questions à la société (au
sens d’ « humanité ») car ce sont les mêmes forces qui poussent
l’humain dans le côté sombre de notre comportement. Où que nous soyons sur
cette planète, il y a des choses similaires qui ont juste des noms différents.
Dieux ou démons, peu importe, tout a commencé avec les anciens dieux et ils
avaient tous les mêmes rôles, seulement des noms différents. Je ne vois pas
l’intérêt de se concentrer sur de la politique locale (et même la politique
européenne est trop locale pour moi), en tant qu’artiste je préfère rester sur
un plan commun, dans lequel tout le monde se retrouve et non qu’un certain
groupe. L’aspect politique est partiellement là, mais honnêtement je ne suis
pas quelqu’un qui s’intéresse à ceux qui ne me sont pas proches donc la
politique est pour d’autres gens, pas pour moi.
RMS : Enfin, la dernière question :
qu’est-ce que le futur réserve pour Anomalie ?
Marrok : Je vais devoir me débrouiller car
l’organisation est très serrée avec Harakiri for the Sky mais cette
année on enregistrera un nouvel album. On ne sait pas encore quand, on le
mettra quand on pourra, mais quelque chose est en cours.
Malheureusement notre interview a dû être écourtée à cause
de la préparation du concert mais elle n’en a pas été moins agréable. Encore
merci à Marrok et allez écouter Anomalie !
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.