
Hecate - Ode au désert suspendu
Chroniques
7 Juillet 2020
Une fois n’est pas coutume, je chronique un même groupe une
seconde fois. Bien entendu, dans une radio qui prône la diversité et qui
cherche à vous faire découvrir des petits groupes, on pourrait me reprocher de
tomber dans la facilité ou de me contenter d’un petit nombre de groupes. Mais
ne vous en faites pas, si je souhaite aborder Ode au désert suspendu d’Hecate,
ce n’est pas pour répéter les mêmes choses comme pour un énième Megadeth
mais précisément parce que je n’en ai pas encore assez dit. Deuxième chronique
que j’ai écrite, celle d’Une voix venue d’ailleurs ne me satisfait
guère : trop superficielle, pas assez précise, bref : en-deçà de mes
critères actuels. Ce petit billet ne sera donc pas une chronique mais quelques
lignes entre deux vagues pour rendre compte – j’espère avec plus de justesse –
de ce dernier album d’Hecate.
Ode au désert suspendu me facilite dans une certaine
mesure la tâche car il s’agit d’un album plus « cohérent ». Là où Une
voix venue d’ailleurs laissait transparaître son orgie d’influences, Ode
au désert suspendu se place plus nettement dans un spectre Black Metal. Que
ce soit dans son mixage plus brut, dans son chant plus criard ou dans sa batterie
plus fournie, Hecate semble renouer avec son appellation « Black Metal ».
Cela n’empêche pas d’autres genres de s’y mêler, qu’il s’agisse d’un Heavy
épique dans ses cavalcades, de développements lyriques dans Et je panserai
l’aube ou bien de musiques de film dans le morceau éponyme. Pourtant,
l’album s’inscrit très clairement dans une veine Black Metal, et même DSBM.
Entre l’introduction d’Oracle atone qui nous rappellerait le dernier
album d’Ofdrykkja ou le passage à la guitare de Pervigilium Mortis,
les compositions prennent très clairement le tournant des superpositions
harmonique-saturé du DSBM. Cet aspect est magnifié par la voix de Veines Noires
qui brillait déjà dans l’album précédent mais qui s’est améliorée. C’est bien
simple : il rappelle parfois celui de Graf de Psychonaut 4, et les
amateurs de DSBM savent que ce n’est pas mince affaire. Non seulement son chant
aigu est plus criard qu’avant – et brille particulièrement dans Qu’une main
strie la nuit – mais on lui découvre aussi une tessiture plus ample, allant
vers un chant Black grave type Temple of Baal plus glaireux dans Oracle
atone.
Mais il n’y a pas que le DSBM qui fait que cet album sonne plus Black Metal,
car contrairement à d’autres groupes comme Vanhelga qui abusent des
passages mélodiques, Hecate les limite et se contente souvent des seules
mélodies à la guitare. Malgré l’introduction en arpèges légers de Fragment
d’éther, les guitares sont très souvent saturées, aiguës et tranchantes
dans tous les sens du terme. Déjà parce que leur son tranche au-dessus des
autres instruments mais surtout parce que leurs riffs composés de notes brèves
et aiguës limitent la résonance des cordes et contraignent tout investissement
de l’espace sonore. Cela rend très bien quand il y a un fond plus grave en
accompagnement et rappelle parfois Immortal, comme dans Où les marées
poudroient, mais cela cause aussi un certain manque d’ampleur lorsque les
guitares sont seules – je pense notamment à certains passages d’Oracle atone.
Mais ce n’est pas le seul grain qu’elles possèdent, elles prennent notamment un
son plus grave dans Sous l’arche diamantine, dans un style malsain qui
pourrait nous rappeler le dernier Barshasketh.
Mais si une chose est bien restée constante chez Hecate, c’est
l’écriture : les titres seuls en témoignent, Hecate utilise sa
matière grise pour faire du Black. Je ne passerai pas en revue les nombreuses
références et finesses d’écriture que l’on retrouve dans les paroles, mais je
ne pouvais pas passer à côté pour autant car ce sont ce genre de chansons qui
font briller le Black Metal.
Ode au désert suspendu est en définitive un album qui
renoue avec les racines Black Metal d’Hecate, ce par différents points.
C’est à double tranchant : si les amateurs de Black et de DSBM y
trouveront leur compte avec un son authentique et souvent agressif, des
néophytes pourraient être repoussés par ses passages les plus denses et son
mixage moins lisse que celui d’Une voix venue d’ailleurs. Malgré
quelques défauts – notamment l’abus de fade-out en premier temps de mesure pour
finir les morceaux – c’est un album différent de ce qu’Hecate a
proposé auparavant et auquel je reviens avec grand plaisir. Dense et sombre
mais jamais monotone, je n’ai aucun doute qu’Ode au désert suspendu
saura trouver son public car c’est un album au son à cheval entre les
classiques Dissection ou Deathspell Omega, mais dont les
compositions ont toujours des innovations propres.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.