The Lumberjack Feedback - Mere Mortals
Ce n’est pas parce qu’un album ne dit rien qu’il n’a rien à dire. Et encore moins qu’il n’y a rien à en dire ! A la croisée entre le Doom, le Sludge et le Doom, The Lumberjack Feedback a été fondé en 2008 à Lille et s’est d’abord fait remarquer par son line-up peu commun : deux guitares, une basse mais surtout deux batteries et pas de chanteur. Malgré tout, ce n’est pas la seule chose à retenir du groupe car les nordistes s’en servent pour développer une musique grave et intense qui fera à coup sûr trembler les parois de votre crâne.
L’album commence avec Therapy ? un morceau plutôt programmatique du potentiel du groupe. En effet, après quelques secondes d’atmosphère Drone, The Lumberjack Feedback présente des riffs doom appuyés par des batteries à l’unisson qui augmentent la puissance implacable du genre. Comme si c’était nécessaire, le quintet accentue encore cette dynamique avec des jeux sur les toms basses qui font un pont tribal menant sur des riffs lourds bouclés sur un tempo medium - ce qui les rend d’autant plus prenants que l’amputation de leur dernier quart accentue leur lourdeur.
Mais les lillois ne font pas que dans l’intensité, la seconde partie met plus l’accent sur la mélodie avec des légatos de guitare qui apportent un côté malsain avant d’être rejoints par tous les instruments, montrant par là même tout le développement longuement tissé dans le morceau. Enfin la cinquième minute porte un ralentissement qui montre en dernière teinte les influences Sludge du groupe. Les guitares saturées remplissent l’espace sonore et rendent l’atmosphère plus pesante et poisseuse qu’auparavant avant de se taire et de nous laisser sur une ambiance Drone similaire à celle de l’introduction.
S’ensuit Kill! Kill! Kill! Die! Die! Die! et avec un nom pareil on ne peut que s’attendre à un morceau plus véhément. C’est bien le cas puisque le morceau s’ouvre sur des breaks de batterie et un tempo bien plus rapide que son prédécesseur. Cette fois ci, il ne s’agit plus de construire patiemment une atmosphère mais de jeter l’auditeur dans l’intensité sonore. La pression est à peine montée que le groupe la relâche avec des riffs et des rythmes simples qui rendent le morceau très efficace. Le moment de flottement initié à la deuxième minute n’est lui-même là que pour être approprié en crescendo et faire repartir le morceau sur un passage lourdissime avec des guitares mutées et des riffs à la Pantera.
Parenthèse au sein de Mere Mortals, le diptyque de l’ordre nouveau commence avec A New Order (Of the Ages), Pt. 1 et une introduction doucereuse et flottante. Les percussions sont bien plus légères que sur les autres morceaux et la guitare saturée ne fait office que de fond, ce sont les guitares claires qui sont ici mises en avant. Tenue sur l’entièreté du morceau, cette construction apaisante s’embrase à la quatrième minute pour laisser place à un passage plus intense et uniforme avant de s’évanouir pour ne plus marquer que les accents.
La seconde partie, A New Order (Of the Ages), Pt. 2, s’inscrit bien dans la continuité tout en se distinguant par une atmosphère plus saturée. Si on retrouve un phrasé mélodique similaire, la basse est plus mise en avant et donne une lourdeur étouffée aux riffs. La première minute inaugure une partie drone avec des saturations longues et tenues qui laissent le morceau en suspension, avant de reprendre sur la spécificité de The Lumberjack Feedback : les rythmes à deux batteries. Bien mis en avant par le mixage, le jeu à quatre mains donne l’effet d’une foule percussive. Le « loud and low » du groupe s’entend alors plus qu’auparavant et on comprend bien que la puissance que cherche le groupe n’est pas une puissance volcanique mais une puissance maritime, gagnant sa force dans la durée plus que dans la vitesse.
Les dernières notes au piano de A New Order (Of the Ages), Pt. 2, reprennent le thème du morceau avant de laisser place aux percussions de Wind’s Last Blow. On retrouve une atmosphère assez similaire à celle des deux premiers morceaux mais on appréciera peut-être plus les dissonances à deux guitares qui viennent répondre aux batteries, car le jeu de The Lumberjack Feedback gagne autant en puissance grâce à son duo mélodique qu’à ses percussionnistes.
Pour le morceau suivant, si la référence à l’apocalypse derrière A White Horse (Called Death) est assez explicite, l’introduction du morceau l’est beaucoup moins puisque les rôles semblent échangés : une guitare pincée fait office de métronome alors qu’une autre déploie une mélodie somme toute assez simple. Alors que la guitare fait la rythmique, le développement du morceau se fait grâce aux batteries qui marquent elles aussi le temps à la grosse caisse tout en déroulant un rythme sur les toms et les cerclages. Après un passage Doom uni, le groupe s’atomise une nouvelle fois en séparant les batteries du reste des instruments pour se lancer dans un passage plus Sludge qui cède lui-même sa place à de longs fuzzs relancés toutes les quatre mesures. Enfin, dans une logique de decrescendo le groupe passe d’un tempo très lent à plus de tempo du tout avec une fin distordue tenue sur plus de quarante secondes qui affirme bien les influences Drone du groupe.
Enfin, l’album se clôt sur Kobe (The Doors of Spirit), en référence à la ville nippone. Le morceau se dénote par sa longueur de plus de douze minutes et s’ouvre en douceur lors des trois premières. Viennent ensuite des riffs vacillants à la double puis à la triple-croche que Gojira ne renierait pas. Marquant une dernière fois l’album de sa patte, The Lumberjack Feedback nous offre une fois de plus un passage intense et lourd digne de la puissance qu’on attend d’un tel line-up. Mais la vraie force de ce moment est d’être fort sans jamais être trop chargé grâce à la sobriété de l’instrumental. Là où l’absence de chant pourrait être un défaut pour beaucoup de groupes, The Lumberjack Feedback en fait une force en y tirant une certaine simplicité qui vient épurer les constructions alambiquées du quintet. Ce dernier morceau sera d’ailleurs assez représentatif de ce qu’est The Lumberjack Feedback puisqu’il alternera les riffs Doom et Sludge et ira de la diversité rythmique des deux batteries à l’intensité d’un jeu en commun. Construisant toute une atmosphère en crescendo lors des douze minutes de ce morceau, les lillois finiront leur album avec brio sur un dernier coup de crash qui laissera place à de longues résonances drone chargées de bruits blancs et de saturation.
Mere Mortals est donc un vrai bijou de lourdeur et d’intensité. Bien produit et innovant, le groupe sait se démarquer dans toutes les scènes où il va puiser des influences. Il me faut reconnaître que n’étant pas un grand amateur de Sludge et de Drone – dont la lenteur m’ennuie -, certains passages m’ont moins parlé que d’autres, mais l’immense majorité des compositions est grave et pesante et à ce titre cet album est une vraie réussite. Je ne peux que le conseiller aux amateurs de Doom, de Sludge et de Drone qui noteront sans aucun doute la qualité indéniable de cet album.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.