Barshasketh - Barshasketh
Avec des membres éparpillés en Angleterre, en Finlande, en Serbie et originaires de Nouvelle-Zélande, Barshasketh ne se présente pas comme une formation traditionnelle. Pourtant, Barshasketh et leur troisième album basé sur le Be’er Shachat c'est-à-dire la fosse de la corruption du Qliphoth, l’ensemble des forces maléfiques de la kabbalistique juive, nous offre un Black Metal classique et malsain qui affirme la dimension ésotérique dont le groupe tire son nom. Il s’agit là d’une étude de l’individualité, du soi dans son existence cyclique qui passe par un processus de destruction, de purification et de renaissance contraire pour l’affirmation individuelle.
Le premier acte du cycle est Vacillation, morceau au titre bien choisi puisqu’il oscille entre un riff aigu dissonant et un autre plus classique. Les blastbeats et une voix grave arrivent bien vite, preuve que nous avons affaire à un Black Metal sans compromis et franc. On ne sera d’ailleurs pas surpris de trouver des constructions similaires aux albums de Watain, puisque Barshasketh remplit l’espace sonore avec des guitares saturées en tremolo picking en ne laissant percer qu’une guitare aiguë qui donne la mélodie. Mais les guitares ne sont pas les seuls instruments à écouter, le batteur fait aussi preuve d’une créativité redoutable en accompagnant les musiciens dans tous leurs accents et variations avec des fills et nuances discrètes qui rendent la batterie plus appréciable que si elle se cantonnait à simple remplissage. C’est d’ailleurs une de ces variations qui va entraîner un changement de structure à la fin de la troisième minute puisqu’on entre dans un passage plus spasmodique avec des guitares moins linéaires. La mélodie se joue alors sur les contrepoints donnés par la guitare et accentués par la china et la caisse claire, ce qui met bien en avant la signature ternaire du morceau.
On s’enfonce d’un pied encore avec Resolve et sa levée de batterie inaugurale. Le morceau continue dans un Black assez orthodoxe et on appréciera à juste titre les ouvertures de hi-hats qui viennent donner un côté plus tranchant aux attaques de guitares. Ce titre est plus décousu que son prédécesseur et met plus en avant les guitares virulentes. Cette sensation désagréable est par la suite renforcée par des passages au tempo accéléré qui déboussolent totalement l’auditeur et montrent que le groupe est aussi à l’aise dans les tempos rapides qu’à vitesse médiane. A contrario, le milieu du morceau est un ralentissement lugubre qui se joue sur des arpèges en tritons, libérant un grand espace sonore que la voix vient presque littéralement habiter, hantant le mausolée indigne que Barshasketh construit.
On entre ensuite dans le cœur de l’album avec le premier tableau d’un diptyque sur la conscience : Consciousness I. Barshasketh continue avec un Black assez classique sur le début du morceau pour le ralentir au milieu de la deuxième minute, laissant poindre la belle ligne mélodique de la basse. Cet affaissement rythmique va se propager dans l’ensemble du morceau où tout est ralenti, comme en suspens par rapport au Black Metal véhément que le groupe avait proposé auparavant. Cela ne rend pas ce morceau ennuyeux, bien au contraire puisque ces moments plus calmes permettent d’apprécier les mélodies et sont à ce titre fort agréables. Le Black tel qu’on le connaît reprendra à la quatrième minute avec des riffs répétitifs qui prouvent qu’on est bien entré dans le processus cyclique de l’existence du soi où la conscience s’éveille et s’élève peu à peu.
Cette élévation est marquée par des guitares qui piquent de plus en plus dans les aigus, avant de s’évanouir dans les accords légers qui ouvrent Consciousness II. Ce début de morceau se veut mystique et flottant : les coups de batterie résonnent et des sifflements s’étendent dans cet inquiétant espace vide. Les sifflements, alors anecdotiques, sont repris aux guitares avec quelques variations ce qui crée une ligne mélodique presque harmonieuse. On n’est alors plus dans un Black Metal poisseux mais dans un passage plus clair, à cheval entre le Black et le Thrash, ce qui le rend d’autant plus entêtant. Filant la métaphore, le groupe reprend les sifflements d’introduction à la guitare lead cette fois mais le chanteur troque sa voix aiguë pour un chant guttural profond afin de ne pas trop dévoyer l’atmosphère caverneuse qui a été instaurée. Cette perpétuation sinistre inaugure le mouvement inverse de la conscience : son déclin. Tout se tait sur des chœurs qu’on ne s’attendait pas forcément à trouver dans un groupe aussi malsain mais qui sont bien incorporés et qui laissent en suspens l’ambiance inquiétante sans pour autant la trahir.
Le moment antithétique à la conscience est alors venu. S’opposant à l’identité personnelle, on trouve là aussi une construction en deux parties avec Ruins I et II dont la première entame le processus de destruction du soi. Nous ne sommes donc pas dans des ruines démolies mais plutôt dans l’acte de mise en ruines et on le comprend bien avec le début particulièrement virulent qui n’est certainement pas le calme des vieilles pierres. Porté sur plus de quatre minutes, cette furie ralentit parfois mais ne perd jamais en intensité, supportée tantôt par la double-pédale, tantôt par le chant.
Ruins II est d’emblée plus contemplatif. Le morceau n’est pas de l’Atmospheric pour autant mais les guitares sont un peu moins présentes et laissent plus de place aux percussions et à la voix… pour les premières secondes tout du moins. Vient ensuite un genre de Black occulte certes plus rapide que les autres morceaux de Barshasketh mais moins corrompu et lourd car plus aigu et distinct. Contrairement à la dyade sur la conscience, la part belle est désormais donnée à la seconde partie mais on retrouve comme dans Consciousness II un passage ésotérique avec une mélodie aiguë en harmoniques de la guitare accompagnées de rudiments aux cymbales, ce qui renforce le côté ritualiste. Ce pont musical permet au groupe de faire entrer un passage bien plus lent aux relents Doom, claudiquant dans sa grosse-caisse, et de finir le morceau sur les larsens des guitares.
Contrairement à son titre, le morceau suivant, Rebirth, n’est pas un moment positif – étonnant ! Terminant le processus de réincarnation de la conscience dans son adversité, cette avant-dernière piste s’inscrit assez logiquement dans l’identité du groupe. On y trouve donc un style assez classique qui joue sur les bends et les variations légères pour un Black somme toute assez similaire aux deux premiers morceaux.
Cette similarité s’affirme encore sur Recrudescence, dernier morceau de l’album qui commence pourtant sur les mêmes notes que Vacillation, confirmant la dimension cyclique de l’album. Comme si nous revivions le processus du soi en accéléré, la dualité contraire se joue désormais dans les deux types de voix du chanteur qui se répondent et s’enchevêtrent. Les guitares rythmiques étant moins saturées et baveuses que sur le reste de l’album, Recrudescence est un bon morceau sur lequel finir puisqu’il maintient ce sentiment d’inquiétude sinistre tout en permettant de bien profiter des riffs et de tous les instruments.
Barshasketh réussit donc à maintenir une ambiance angoissante tout au long de son album par une musique tantôt monolithique, tantôt versatile, comme un tableau de Beksiński. Aucun doute à avoir quant au fait que Barshasketh a du talent et sait produire un Black Metal de qualité à l’heure où les mélanges plus ou moins réussi pullulent. Cet album confirme l’identité du groupe et son éponymie n’est qu’un gage de son assurance. Cependant, il s’adresse aux amateurs de Black Metal confirmé puisqu’il n’est que peu accessible et que le manque de nouveautés et de différences au sein des morceaux peut créer une certaine lassitude sur les plus de cinquante minutes que comporte cet album.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.