Interview Aorlhac
Axé sur l’histoire et les mythes du pays d’oc, Aorlhac est actuellement parmi les références du Black Metal français avec une belle progression et une vraie fraîcheur musicale. Si la température n’était pas à la fraîcheur, l'ambiance, quant à elle, était à ce Hellfest 2019 où j’ai pu interviewer Alex, bassiste du groupe depuis 2012, Arvernian, guitariste et chanteur secondaire depuis 2018 et Kahos, batteur depuis 2018 aussi. Une dernière chose : ça se prononce [oʁˈjat]
Radio Metal Sound : Là où le Black Metal a plus tendance à l’expression personnelle, à l’expression d’idées, Aorlhac prend un angle vraiment différent avec l’expression historique. Qu’est-ce qui a motivé cette idée et est-ce que ce choix vous a paru évident ?
Arvernian : A la base les membres fondateurs y en avait trois : NKS le guitariste actuel, Spellbound qui est notre chanteur et l’ancien bassiste Ascarioth. Ils voulaient dénoter de l’ensemble de la scène française et des thèmes assez classiques sachant que les trois personnages étaient des vrais passionnés d’histoire, d’ailleurs l’ancien bassiste en a fait son métier par la suite. Notre chanteur et notre guitariste avaient assez tendance à aller fouiller les vieilles légendes, les choses qu’on trouve dans les vieux livres dans de vieilles baraques et ça part d’une véritable passion et pour le Black Metal et pour l’histoire et particulièrement pour l’histoire de l’Occitanie ce qui a fait que quand le groupe Aorlhac, Aurillac en occitan, est vraiment basé sur une passion pour l’histoire de l’Occitan.
Alex : Et puis après quand nous on est arrivé dans le groupe par la suite de toute façon l’identité du groupe était déjà faite donc si on a accepté de jouer dans cette formation là ça nous paraissait forcément évident puisque ça faisait partie intégrante de l’identité du groupe, y a rien d’implicite là dedans, c’est très explicite même dans le logo, même dans le nom du groupe donc forcément qu’on savait dans quoi on mettait les pieds. C’était clair à 200% d’autant que le groupe s’est fondé sur ce concept là, le groupe ne peut limite pas exister sans ce concept là donc forcément qu’on l’a accepté et qu’on l’a intégré pour s’identifier à ca puisque le groupe c’est ça.
Radio Metal Sound : Et du coup tu as commencé à évoquer d’où viennent toutes ces références historiques dans Aorlhac
Arvernian : C’est des longs moments de recherches, que ce soit l’ancien bassiste ou Spellbound qui est vraiment passionné par ça, par l’histoire de l’Occitanie. On va parler du Cantal, de l’Auvergne en descendant sur l’Héraut, l’Aude, tous ces départements du centre en descendant sur le Sud de la France. Ca donne lieu a beaucoup de recherches, y a eu beaucoup d’investissements personnels de leur part pour trouver des légendes comme sur le dernier album l’infâme saurimonde qui ne sont pas très connues, pareil pour le Mandrin ou Mornac, qui est un brigand du Bourg-Lastic en Auvergne, qui sont des légendes peu connues, répandues à échelle très très locale. Ca demande beaucoup d’investissement de personnes, ça part d’une passion au départ et ça se retranscrit comme ça
RMS : Par conséquent au niveau du son est-ce que vous chercher à avoir un son spécifique qui collerait bien au concept ? Je pense notamment à L’infâme Saurimonde où il y a de la vielle à roue ou peut-être des harmonies médiévales…
Arvernian : Pour répondre à ta question y a deux influences majeures dans la manière de jouer et de composer la musique d’Aorlhac. Y a le côté médiéval, légende, on utilise beaucoup de mélodies médiévales, de chants traditionnels. On va citer trois chansons, en l’occurrence Sant-Flor la Cité des Vents qui est un air traditionnel auvergnat qui était joué avec la cabrette et la vielle à roue, L’infâme Saurimonde et l’Ora es Venguda qui provient d’un chant traditionnel et toute cette partie là on utilise des airs traditionnels du pays d’Occitanie et l’autre partie, purement Black Metal, on a des influences des années 80-90, on peut citer Dissection…
Alex : Après question de prod’ tous les albums ont été enregistrés par NKS
Kahos : Encore là la question est particulière car tu as devant toi trois mecs qui n’ont pas participé à la composition du dernier album. Du coup en live on apporte notre son, notre jeu et du coup on se détache légèrement de l’album car on apporte quelque chose qui n’est pas forcément sur le disque au départ. Par exemple pour moi j’ai un jeu de batterie qui est totalement différent du batteur qu’il y avait auparavant dans Aorlhac. Du coup pour Alex c’est un gros changement et ça nous a demandé beaucoup de temps pour nous adapter et jouer tous ensemble
Alex : Après pour la vielle, c’est une histoire d’opportunités car il s’avère que la femme de NKS joue de la vielle tout simplement et donc ça tombait bien car ça collait avec l’esprit du groupe et ça permettait de faire ce petit interlude dans le morceau
Arvernian : Mais a contrario, si c’était le sous-entendu de la question on a pas l’intention d’utiliser ce genre d’instruments sur du live, c’est pas prévu dans l’immédiat en tous cas. On pense à intégrer L’infâme Saurimonde au set mais justement on va discuter de ce passage là, ça va donner lieu à un débat.
RMS : Justement au niveau du live, là vous êtes au Hellfest à présenter votre musique à des milliers de personnes donc comment vivez-vous cette fonction d’ « ambassadeur » de la culture d’oc et comment ça a été reçu autour de vous – notamment Alex et Kahos qui ne sont pas de la région dont traite Aorlhac ?
Alex : Je me pose pas vraiment cette question, on a intégré l’esprit et l’univers du groupe et on le déroule. On a accepté l’idée, je me pose pas cette question de si ça me concerne ou pas, je ne me la pose pas dans ce sens là.
Kahos : Pour ma part quand j’écoute un groupe j’écoute pas les paroles et mine de rien on a monté ce line-up, on a des choses en commun mais on a aussi des différences et on se fait réellement plaisir à jouer ensemble et c’est assez complexe car Alex est de Clermont, Arvernian est de Montpellier, moi je suis de Lyon, NKS est d’Aurillac et Spellbound est de Saint-Flour.
Arvernian : Moi je vais dénoter de ce qui vient de se dire car moi je suis entièrement concerné par ça parce que je suis Auvergnat pure souche et l’histoire de cette terre là m’a toujours intéressée et je l’ai transcrite dans mon projet solo de Black Metal, Wintergeist, et j’ai sorti en 2014 un album qui s’appelle Nemossos qui est l’ancien nom de Clermont-Ferrand depuis l’histoire de la guerre des Gaules et de Vercingétorix. Je suis donc très ancré là dedans par rapport à mon passé et par rapport aux recherches que j’ai pu effectuer à ce sujet. Je m’inscris donc pleinement dans la démarche d’Aorlhac par rapport à ça et c’est quelque chose que je vis et que je veux transmettre, c’est une vraie volonté en plus du côté musical.
RMS : Il y a eu une pause que vous avez brisée avec L’Esprit des Vents qui est un album avec une esthétique différente et un son plus mur, est-ce que vous pensez que vous avez atteint votre maturité musicale ?
Alex : Je pense que ça s’est joué chacun de son côté, on a tous continué à jouer pendant cette pause, même si on ne se connaissait pas tous encore. On a juste évolué naturellement de notre côté et quand on s’est retrouvé six ans après, est-ce qu’on avait progressé, est-ce qu’on avait mûri, je sais pas mais en tous cas ça a donné cette homogénéité là. Après sur l’album nous on est pas concerné ni par la composition ni même par son enregistrement mais on sait que ça a été bien longtemps maturé par NKS. Il a mis quelques années et y a même des riffs qui sont très vieux en termes de composition, il a pris plusieurs années pour mettre ça à plat et puis il a pondu ça l’an dernier et finalement tout le mérite lui revient. Nous la maturité si on en a apporté une on l’a apportée en live donc quelque part c’est certainement lui qui a développé son travail et qui a simplement un peu plus progressé dans le projet avec Spellbound.
Arvernian : Surtout avec Spellbound qui est le membre « emblématique » du groupe avec une voix très particulière, qu’on reconnaît. Eux deux ont fait un travail monumental là-dessus et je sais que ça a été longtemps maturé pendant la pause, donc c’est peut être une question qui les concerne un petit peu plus
RMS : Mais du coup, même si vous ne participez pas directement à la composition, est-ce que vous savez quels méfaits nous réserve Aorlhac.
Alex : Justement, c’est ce qu’on disait tout à l’heure, on parle peut-être de travailler ensemble pour un prochain album. Travailler réellement avec tout le groupe histoire de voir ce que tout le monde peut apporter. Ça dépendra de NKS mais éventuellement pour le prochain album, voir ce que ça peut apporter à l’univers du groupe tout en gardant évidemment l’esprit du groupe sans rien dénaturer mais essayer de travailler de manière différente, plus collégiale.
Kahos : Ça peut être un peu différent du coup, pas dans les compos mais dans l’esprit collégial et tout le feeling, ça risque d’être un peu différent.
Arvernian : Ceci dit, malgré ce projet en cours, sur l’année 2019 la tendance va être aux lives. On a beaucoup de dates de prévues, à l’étranger, en France, un peu partout et comme aujourd’hui le groupe est un « nouveau » groupe live car au moment de la pause il y a eu que trois lives de Aorlhac et depuis mai 2018 on a repris les lives et on a tendance à devenir un peu plus lives et pour cela on remercie Anne-Laure qui nous book les dates et Les Acteurs de l’Ombre qui nous aident un peu.
RMS : Tout à l’heure Arvernian parlait des projets spécifiques que vous pouviez avoir, est-ce que vous ne craigniez pas que le concept assez spécifique d’Aorlhac vous bride à long terme, d’où l’importance éventuelle de développer des projets annexes ?
Arvernian : Pour la créativité, je fais partie de ces gens qui trouvent du temps pour tout, objectivement, habitant loin du groupe au même titre que Kahos ici, c’est chronophage pour les répétitions, les déplacements mais je pense que derrière si on a une vraie envie de faire les choses on trouve le temps.
Alex : Oui et puis on a tous un parcours où on a eu différents groupes, on a toujours nos autres projets, tout un tas de trucs qu’on a d’avant Aorlhac donc non, on ne s’est pas posé la question là, je ne pense pas.
Kahos : Oui, on a travaillé le truc depuis on va dire huit mois et je pense que là on est arrivé à maturité et c’est pas se lancer des fleurs, ça a été dur : ça demande des répet’ une fois par mois, ça demande du temps, des déplacements, de l’argent, on a tous des taffs qui nous prennent du temps, une famille... mais on a travaillé le truc et là je pense qu’on est arrivé à maturité et ça donne de bonnes perspectives pour le futur et on a envie de rester là-dessus et surtout sur l’entente quoi. C’était pas forcément le cas par le passé mais là on a vraiment trouvé une bonne osmose, on s’entend bien, on a la même manière de penser, on a le même délire, c’est pour ça qu’on travaille ça et qu’on a envie de continuer.
Arvernian : Et ça freinera en rien les projets futurs, quand on a envie de s’investir dans quelque chose on le fait.
Alex : On a tous des projets annexes finalement et ça se passe bien quoi…
Kahos : Toi t’as combien de groupes, t’en as cinq ?
Alex : Actuellement, trois et demi
Kahos : Moi j’en ai trois aussi.
Eh bien en voilà qui n’ont pas de quoi chômer. En même temps on les comprend avec la qualité de leurs sons, tant en live qu’en studio. C’est pourquoi je vous invite à acheter les produis d’Aorlhac en passant par Bandcamp ou par leur label, Les Acteurs de l’Ombre – que je remercie grandement -, et à suivre leur actualité sur Facebook car ils tournent beaucoup.
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.