Pensées Nocturnes - Grand Guignol Orchestra

Pensées Nocturnes - Grand Guignol Orchestra

Chroniques 21 Mars 2019
Qu’il soit dans un bocal de formol ou sous un chapiteau, Pensées Nocturnes nous met en contact avec l’immonde. Vaerohn brasse les vices et les souillures, les mélange dans un philtre et nous sert goulûment cette étrange mixture qu’est son Black Metal de cirque. Et à ce titre, Grand Guignol Orchestra n’est pas qu’une fanfare clownesque, c’est aussi un bordel sans nom où s’enchevêtrent des sons plus ou moins harmonieux. 


Tout débute à l’arrière des loges avec Un trop plein d’rouge. Un accordéon s’essouffle alors que des pleurs se font entendre. Ca pue la peur et la pisse, la musique est titubante et les sons grouillent alors que sur scène les roulements de timbale et l’annonce solennelle évoquent quelque chose de grandiose. Nous voilà sur le seuil d’un cabinet de curiosité, ces lieux mystiques où le regard du spectateur est presque plus malsain que ce qui y est exposé. Plus qu’à appuyer sur la sonnette… Pouet ! Et l’apocalypse commence ! 

La première farce est Deux bals dans la tête. Les guitares dissonantes s’y mêlent au son des trompettes dans une cacophonie entêtante. Les hurlements du Black sont étouffés en fond et les blast beats sont notre seul repère dans ce chaos. Puis tout se dégonfle… Le rythme ralentit et l’alternance entre binaire et ternaire rend la composition encore plus branlante. On garde toujours ces élans énervés en les jetant contre la légèreté à toute épreuve des trompettes et de l’accordéon.  

Restons dans le comique avec Poil de Lune. Le morceau s’ouvre avec une reprise de Titina des Temps Modernes, quel beau programme pour un poil de cul ! La voix ténor prend des airs d’opéra avant de se transformer en des hurlements fous. Mais malgré l’abondance de sons, le thème principal est toujours repris en fond avant que tout s’interrompe pour un passage de tango accompagné sombrement de caisse claire et d’accordéon. Le Black Metal reprendra en dernière partie, laissant entendre la tessiture versatile de Vaerohn, tant dans son growl que dans ses pointes aiguës.  

De la farce, passons maintenant à la satire avec L’Alpha Mal. C’est un morceau dansant qui tourne en ridicule les mœurs viriles avec « l’odieux du stade ». La voix grave est troquée pour une voix aiguë et malsaine qui hante l’auditeur de ses gémissements et de ses plaintes. On retrouve cette ambiance dans L’Etrangorium qui se veut plus programmatique avec son entrée jazzy et sa trompette en sourdine.  

On reprend ensuite avec Les Valseuses et un extrait du film du même nom. « De l’alcool à c’t’âge là… » - ironique quand on regarde deux morceaux plus loin. Du Black Metal, on passe alors à une petite valse aux sons presqu’extraterrestres. Les paroles laissent à peine entrapercevoir « didgeridoo » qu’on a déjà un passage avec l’instrument ; dans un style de balançoire qui grince alors que le didgeridoo fait bourdon à ces mouvements décousus. 

Mais que serait un whisky sans cigarettes ? Gauloises ou Gitanes ? C’est ce que demande la voix schizophrène, entre lyrisme classique et cris désolés. Ajoutons à tout ça un harmonica, une boite à musique, quelques notes de piano et nous voilà dans une Comptine à Boire. Cette chansonnette reprend tout ce qui fait la force de Pensées Nocturnes en ajoutant une belle citation des Tontons Flingueurs à ce Black Metal ravagé et obscène. 

La fin est annoncée par le briquet qui allume Anis Maudit. La musique louchit alors pour ce qui semble plus être un digestif qu’un apéritif – quand on vous dit que y a un problème avec l’alcool. Mais le débourrage est difficile est ne se fait pas dans la bonne humeur : l’alcool est triste et l’orgue vient clore Triste Sade au même titre que l’album. « Eeeeet oui… »  


Grand Guignol Orchestra est donc un album de subversion qui jongle avec les vices en équilibre entre le tragique et le burlesque. Si l’humour est bien présent, la qualité de l’écriture et des orchestrations nous rappelle que nous n’avons pas affaire à des bouffons mais à des virtuoses. Pensées Nocturnes signe donc un Black Metal de très haute voltige, un chef d’œuvre que les mots ne sauraient décrire dans sa diversité d’expériences musicales et dans sa folie.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.