Cantique Lépreux - Paysages Polaires

Cantique Lépreux - Paysages Polaires

Chroniques 25 Décembre 2018
Composé de membres de Forteresse et de Mêlée des Aurores, Cantique Lépreux est un groupe qui sait tout de suite attirer notre attention au sein d’une scène québécoise florissante. A peine deux ans après leur dernier album Cendres célestes qui avait été encensé par la critique, le groupe revient défendre son atmosphère avec ses Paysages polaires 


Cette dite atmosphère est d’emblée posée par la pochette de l’album, la représentation des crevasses sur le glacier du géant peint par Gabriel Loppé nous rappelle les tableaux romantiques de Friedrich et nous renvoie à la misanthropie et à la solitude du style. Car que ce soit dans ses thèmes ou dans son atmosphère, cette œuvre s’inscrit dans une tradition classique du Black Metal tout en sachant faire valoir ses atouts singuliers. 
Le plus notable d’entre eux est perceptible dès Le Feu Secret, morceau d’ouverture de l’album. Le contraste entre les guitares suraiguës et la voix grave du chanteur donne un son plus tranchant au groupe qui ouvre par là même un gouffre dans l’espace sonore. Cet effet sera même accentué par un jeu de renvoi entre la guitare et le chant, chacune laissant régulièrement place à l’autre pour développer son expression. 
Blanc Feu nous fait aussi profiter de ses différents registres vocaux en parsemant ses parties de plaintes stridentes, nous rappelant au désespoir et à la sombreur qui viennent ajouter un grain DSBM à l’album. On notera aussi la présence de chœurs tout au long du morceau qui viendront développer lentement la dimension occulte et mystique de la chanson. 

Le morceau suivant, Les Etoiles Endeuillées, est un morceau bien plus lent. Il nous faut attendre la deuxième minute pour qu’une frénésie s’éveille et la quatrième pour entendre un son miséreux. La lenteur met en exergue le jeu schizophrène du groupe, passant de la misanthropie véhémente à la lourdeur existentielle. 

Nous arrivons ensuite au cœur de l’album avec le triptyque de Paysages Polaires. Les paroles de ces trois morceaux proviennent du poète René Chopin, représentant de la littérature québécoise du vingtième siècle.
Les trois actes de cette tragédie sont couverts de tremolo picking, de riffs puissants et de blast beats qui viennent recouvrir l’espace sonore comme un vent glacial entrerait dans nos oreilles. Les trois morceaux sont très prenants et les instruments viennent s’appuyer dans des passages moins chaotiques, apportant parfois un côté « entrainant ». 
Tout au long de ces trois morceaux, la dureté du Black Metal vient s’opposer aux ambitions humaines, cette vanité que la nature annihile de ses froids mordants. Les glaciers rejoignent la misanthropie du Black Metal comme écueils sinistres à l’homme. 

L’écueil sera Hélas…, morceau qui change brutalement de rythme à la deuxième minute, fissurant nos appuis pour y substituer une brutalité soudaine qui vient désorienter l’auditeur, l’entraînant dans sa tourmente pour le laisser perdu dans les paysages désolés. Ce titre est alors sans relâche, nous laissant à peine une accalmie pour souffler au cœur de la tempête. 

C’est dans ces paysages vides de sens et de vie que Cantique Lépreux nous laisse avec Le Fléau, morceau plus lent et où la place laissée à l’atmosphère est plus grande. S’il commence certes par du tremolo picking, le groupe sait ralentir pour laisser place aux arpèges rappelant l’errance et la solitude existentielle dans laquelle le groupe nous a peu à peu placés. 


A travers ce dernier album, Cantique Lépreux développe très bien son atmosphère, par un son très froid et une esthétique globale nous rappelant sans cesse la solitude et le mépris de l’homme. C’est principalement à ce titre que Paysages polaires s’inscrit dans une tradition Black orthodoxe sans pour autant n’être qu’un ersatz de l’école norvégienne. D’autant plus que le mixage est moins flou que dans le disque précédent tout en gardant le côté brut consubstantiel au style. Le groupe parvient donc à fonder son identité tout en jouant habilement des spécificités qui lui permettent d’être cohérent sans être un énième groupe de Black Metal classique.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.