Chronique Dreadnought - The Endless

Chronique Dreadnought - The Endless

Chroniques 1 Mars 2023
Dreadnought est un groupe qui nous vient directement des Etats-Unis, de Denver plus précisément. On est face à une formation de metal progressif moderne aux influences diverses et variées. Leurs précédents efforts étaient caractérisés par un mix peu commun de prog et de doom. Autre facteur notable, la présence exclusive de chant féminin, ce qui ne fait pas légion dans le metal prog. Ce duo de chanteuses est vraiment un des piliers absolus du groupe. Actif depuis 2013, leurs 4 albums précédents ont tous été reçus positivement et ce dernier effort sorti chez Profound Lore Records (Agalloch, Bell Witch, Lingua Ignota …) ne semble pas déroger à cette habitude.

 
Ma recherche habituelle de nouveautés à se mettre sous la dent m’a attiré vers cet album. En effet j’ai découvert le groupe avec cet opus. Le premier facteur m’ayant motivé à lancer ce dernier est cette pochette. Cette dernière, bien qu’elle dégage étrangement un côté AI generated, me fascine absolument. Ce choix de couleurs m’interroge beaucoup, l’omniprésence de ce vert grisâtre semble dégager une aura toxique et nauséabonde, quelle est la substance liquide dont semble remplie cette plaine droit devant ? Quel est cet immense portail d’où semble jaillir une lumière bien peu rassurante coiffé d’une installation mécanique qui interroge d’autant plus. Cette dernière me ferait presque penser à une jaquette de jeu vidéo, avec comme héroïne principale cette silhouette féminine ombreuse en premier plan.
 

Assez parlé d’art visuel, il est temps de s’intéresser à la musique désormais. Nous sommes toujours face à un metal progressif teinté de diverses influences notamment en metal extrême et post-rock, en effet ici les influences doom présentes précédemment ont pour la plupart toutes disparu. L’album se construit essentiellement sur un dualisme entre des passages longs, articulés et planants typique du post-rock, à des passages beaucoup plus axés sur le riffing et des growls déchirants. 

D’ailleurs, parlons-en des growls et du chant de manière générale. Comme expliqué plus haut c’est évidemment un des éléments qui distingue Dreadnought des autres formations du genre. En effet, ce double chant féminin est définitivement un élément non négligeable de la qualité de cet album. Ces derniers s’inscrivent également dans cette dualité musicale presque manichéenne. Du point de vue strictement vocal cette dualité est très opethienne dans l’approche bien que différente dans la pratique.

Ce contraste commence dès le premier morceau. Immédiatement, à partir des premières secondes nous sommes accueillis par de chaleureux arpèges de guitare mais surtout par une merveilleuse voix d’une douceur envoûtante, d’autant plus lorsque cette dernière s’harmonise progressivement. Cette introduction très contemplative illustre parfaitement le côté post-rock, ambiant et progressif de cet album. Elle met dès le début en scène le côté lumineux et rassurant de la musique de Dreadnought, la première partie du dualisme musicale de l’album. Cette introduction monte petit à petit en intensité notamment avec l’entrée de la basse, des claviers et de la batterie. Cette dernière atteint son apogée au bout de trois minutes où cette chaleureuse ascension est absolument écorchée par un cri déchirant et l’arrivée du premier riff de l’album. 

Ce growl est le deuxième type de chant omniprésent dans l’album. D’une sonorité atypique, il se rapproche par moments de ce que l’on peut retrouver dans le black metal. En effet à ma première écoute il m’a immédiatement rappelé le timbre de la chanteuse du groupe de black metal allemand Darkened Nocturn Slaughtercult, plus spécifiquement lors de leurs performances live.

Voilà donc comment l’album se structure dans sa globalité. Cette approche de composition peut être considérée comme un gimmick relativement redondant si elle n’est pas constamment nuancée et contrebalancée. Cependant il est évident à l’écoute du recueil que Dreadnought à l’habitude de jouer avec ce gimmick et sait surprendre avec ce dernier. 

Des morceaux comme « Midnight Moon » ou « Gears of Violent Endurance » démontrent absolument cette maîtrise en la matière. En effet, la première citée commence de manière similaire au premier titre de l’album. Arpèges de guitare, chant clair harmonisé, batterie sur les toms augmentant progressivement l’intensité tout ça jusqu’à encore une fois l’arrivée du growl déchirant. Le morceau se sublime dans sa partie centrale avec un passage presque tribal, à l’aide d’une grosse basse pleine de saturation pratiquement seule accompagnée seulement de divers ad-libs vocaux qui se baladent dans nos oreilles de droite à gauche. L’effet atteint est saisissant. 

Le second titre cité plus haut « Gears of Violent Endurance » est un highlight évident de l’album, il est de très loin mon favori. L’introduction est tout bonnement hypnotique avec la basse jouant une mélodie absolument torturée. Cette intro atteint le stade du frisson avec l’entrée du chant qui s’ajoute au strumming intensif de la guitare, au lead de la basse avec probablement le cri le plus marquant de l’album. Si vous êtes encore perplexe à l’idée de vous lancer cet album, écoutez simplement la première minute de ce morceau. 

 

Le dernier morceau méritant une mention est le plus long de l’album, se rapprochant des 10 minutes. « Liminal Veil » quant à lui est le morceau qui highlight le plus le côté ambiant de l’album. Ce dernier ne contient presque aucun growl malgré plusieurs passages incluant parmi les meilleurs riffs de l’album (le riff de fin du morceau avec cet énorme orgue est prodigieux). Il est vraiment là pour mettre en valeur les capacités fabuleuses du chant clair et il le fait avec magnificence. 

Cet effort est sans aucun doute un des albums de l’année 2022 pour moi. Mis à part le dernier morceau qui conclut l’album de manière relativement plate, ce dernier démontre la maîtrise exceptionnelle de Dreadnought dans ce type de metal progressif. 

Finalement ils ont réussi à me faire encore plus plonger dans cette pochette mystérieuse. Et je trouve avec le recul que la musique de l’album illustre magnifiquement la scène de cette dernière. Ce ressenti d’un voyage lyrique, d’une aventure excitante mais tout du moins lugubre est également présent à l’écoute de l’album. Il serait presque possible d’imaginer la silhouette de la pochette comme la narratrice de cette aventure, retraçant une histoire passée pleine de moments calmes et sereins mais tout autant pleins de péripéties macabres. 

Un bien joli album ! 


Tracklist : 

 1: Worlds Break 8:29

 2: Midnight Moon 6:43 

3: The Endless 4:39 

4: Liminal Veil 9:08 

5: Gears of Violent Endurance 6:10 

6: The Paradigm Mirror 6:02

A propos de Alexis B

Salut, ça m'arrive d'écrire des trucs. Bisous.