Interview Arka'n Asrafokor

Interview Arka'n Asrafokor

Interviews 8 Août 2025
J'ai eu la chance d'interviewer le groupe togolais Arka'n Asrafokor avant leur montée sur scène au Brin de Zinc le 30 juillet 2025. L'occasion de retracer leur parcours et de parler de leur originalité dans le genre Metal : la culture togolaise.

Présentation rapide des membres présents


Rock : Moi je suis Rock, le guitariste, chanteur, leader du groupe. Et lui c'est Elom.

Elom : Elom, essentiellement le growler du groupe. Rap growler. Deux expertises pas incompatibles.

On va commencer par la création du groupe. Comment a germé l'idée de faire un groupe de Metal ?

Rock : Juste en écoutant du Metal quoi. Parce qu'au Togo, il n'y en a pas assez. Il y a des CD, des cassettes et bien sûr sur internet aussi. Donc à ce moment-là, j'écoute une musique qui me parle, et j'en fais.

Elom : Ouais c'est pareil pour moi.

Elom, tu avais un autre groupe avant. Tu avais monté H Weapons.

Elom : Ouais, effectivement. Ça c'était avec mon autre frère. Et c'était essentiellement du Nu Metal. C'était beaucoup plus avec du rap et tout au style Linkin Park. Mais bon après lui il est parti plus sur l'audiovisuel. C'est lui qui réalise nos clips, le visuel. Et donc finalement, moi j'ai rejoint Arka'n.

Du coup vous aviez deux projets, il y a eu un rapprochement avec des featurings...

Rock : En fait ce n'est pas trop différent, ce qu'on faisait. C'est facile de se mettre ensemble. Parce que le rap n'est pas qu'américain. Le rap est aussi une philosophie africaine. Le chant, le fait de parler. Donc le Rap Metal africain, ça passe bien je pense.

En 2015 vous vous êtes réunis. Il y avait Arka'n, H Weapons, et c'est devenu Arka'n Asrafokor. Pourquoi ce nom ?

Rock : Arka'n c'est un mot qui est formé de lettres. Chaque lettre est le début d'un mot, d'une phrase, de notre langue, qui a un rapport avec le côté caché de l'univers. Car l'univers n'était pas seulement ce qu'on voit. Il y a ce qu'on ne voit pas, mais qui est plus grand, plus fort que ce qu'on voit. Et le mot Asrafokor a deux racines avec plusieurs trucs. Le mot Asrafo veut dire guerrier en langue Ewe. Et le mot Kor a trois significations également. Le Kor qui fait référence au Metalcore. Et puis également, le Kor veut dire poing. Comme on est cinq, on est le poing du guerrier. Le Kor veut également dire le QG du guerrier. Donc Kor qui est le Metalcore, le Asrafocore. Le Kor qui est le poing, le Kor qui est le QG.

J'ai une question par rapport au Togo. Quelle est la difficulté de monter un groupe de Metal au Togo ?

Rock : En fait ce n'est pas très compliqué, il faut juste trouver des musiciens qui adhèrent. Parce qu'on a des guitares, des amplis, des batteries. Donc on n'a qu'à jouer le Metal. Il suffit de trouver ceux qui aiment ce qu'on fait. Donc on a commencé par des amis musiciens qui viennent, qui partent. Et puis finalement, un line-up s'est formé en 2010 jusqu'en 2015. Et le line-up qui s'est formé en 2015-2016 est là jusqu'à maintenant.

Il n'y a pas de difficulté, il faut juste trouver les musiciens.

Et le public au Togo est présent ?

Rock : Bon, oui et non. Il y a un public qui aime le Metal comme on le connaît, mais n'est pas très nombreux. Mais par contre, les Togolais eux-mêmes peuvent aimer ce qu'on fait. Ce qu'on fait n'est pas du Metal classique. C'est un mélange entre le Metal occidental et le son africain. Donc la langue, en Ewe, avec les percussions et les chœurs africains. Donc ils se retrouvent dans ce qu'on fait, ce n'est pas loin de ce qu'ils aiment en fait.

Elom : Bon, tout a été dit. Mais je pense que la difficulté justement, c'est le fait que, comme il a dit, c'est le fait de trouver des musiciens qui adhèrent à la chose puisque le Metal n'est pas répandu dans le pays. On est le seul groupe qui fait du Metal. À part ça, il y a des groupes rock, des très bons groupes rock. Mais le Metal, comme on le fait, on est les seuls. Donc il faut trouver des musiciens qui aiment la chose, qui sont passionnés de la chose. Et je pense que c'est là où réside essentiellement la difficulté en fait. Mais à part ça, bon, ça va.

Rock : Et puis, bizarrement, il y a des guitaristes qui aiment le Metal, mais pas les batteurs, les bassistes. Les guitaristes, il y en a plein. 

Musicalement, c'est du Metal, mais pas que, c'est du Metal alternatif et Folk.

Rock : Asrafocore, quoi. Un nouveau genre (rire). Le genre de Metal togolais.

Quelles sont vos influences en termes de Metal, mais aussi en termes de rap ou de musique traditionnelle togolaise ?

Rock : En termes de Metal, on a tellement écouté de musique, on a tellement écouté de Metal... Killswitch Engage, Cannibal Corpse, Scorpions, AC/DC, les vieux groupes... Mudvayne, Linkin Park, Metallica, Slipknot. Franchement, les vieux, le Nu Metal, finalement. Et du côté de nos musiques, Il y a le agbadja, il y a le gazo. C'est du rythme ternaire.

Elom : Il n'y a pas que ces deux rythmes-là au Togo. Il y en a beaucoup plus, mais c'est essentiellement ces deux-là qu'on utilise dans notre musique.

Rock : C'est les plus guerriers.

Pour ceux qui seraient intéressés par la musique traditionnelle, est-ce qu'il y a des groupes à écouter ?

Rock : Franchement, là... Venez au Togo, c'est le mieux (rire).

Elom : Il y a des groupes, mais pas des groupes comme on définit. Mais c'est des collectifs et on les appelle bobobo. Il y en a beaucoup. Mais des "groupes" comme ça, il y en a quelques uns, mais ce n'est pas aussi répandu que les collectifs.

Rock : En fait, chez nous, c'est des groupes qui sont là pour jouer pour les événements.

Côté thématique, on a beaucoup le côté guerrier, Il y a aussi un peu les esprits. Pouvez-vous détailler ?

Elom : Quand on parle du côté guerrier, c'est simplement, en fait, c'est la connexion à soi-même. Une connexion qui doit aller, comment dire, à l'encontre de soi. C'est-à-dire qu'il faut retrouver sa lumière intérieure pour combattre l'obscurité ou les ténèbres qui sont tout autour de nous. Parce que, comme on l'a dit, il y a deux choses à ce niveau. L'univers n'est pas que ce qu'on voit. Mais il y a aussi des choses qui sont au-delà de ce que nos yeux peuvent voir. Ça, qu'on le veuille ou pas, c'est comme ça. Et le deuxième côté, c'est quand on voit l'état du monde, il faut faire quelque chose. Sinon, on est en train de se foutre en l'air, en fait. Donc, il faut vraiment qu'il y ait ce réveil-là. Parce que si on laisse les ténèbres nous envahir, on risque de s'éteindre, en fait. Donc, il faut que, s'il y a des étincelles un peu partout dans le monde, que toutes ces étincelles réunies puissent former une grande flamme. C'est essentiellement ça. Et aussi, il y a l'environnement. Il faut prendre soin de l'environnement. La terre, la mer, c'est ce qui nous porte, qu'on le veuille ou pas. Il faut qu'on entretienne la Terre parce que je pense que c'est l'un des rôles de l'humain sur la planète, en fait. Je pense que nous sommes les gardiens de la terre et de la mer.

Pour le choix des langues, il y a de l'anglais, du français et de l'ewe. Pourquoi ce mélange et comment l'organisez-vous dans votre musique ?

Rock : Ça dépend de comment la musique même appelle la langue qu'il faut, en fait. Il y a des passages qui appellent forcément la langue Ewe, d'autres la langue anglaise. Ce n'est pas forcément qu'on fait un choix, c'est plutôt comment la musique même appelle ça. Et du coup, le français, c'est que dans un seul morceau.

Et où est la suite de ce morceau en français ? Quand on regarde par exemple les écoutes sur Spotify, c'est le morceau le plus écouté.

Elom : Ce qu'on va faire, c'est le faire dans le troisième album (rire).

Et alors, du coup, toutes les percussions un peu traditionnelles, comment vous les incorporez dans la musique ?

Rock : Déjà, quand on pose la batterie rythmique et tout, déjà, on sent la place de la percussion. Parce que la batterie et la percussion font un style ensemble. C'est un rythme percus-batterie. Sans percus, c'est vide. C'est une symbiose des deux.

Il y a eu un album en 2019, un autre en 2024. Comment sont construits ces albums ?

Rock : On prend des morceaux qui ont une espèce de feeling commun. En 2019, on avait déjà des morceaux, mais on a vu qu'il y avait des morceaux avec un univers en commun. L'album numéro un, c'est un album qui est beaucoup plus éclectique. Qui retrace un peu tout notre parcours. Donc, il y a un peu de tout. Le second album est beaucoup plus spécifique. Plus Asrafokor, beaucoup plus Metal, plus agressif. Je crois qu'on va faire encore plus fort que ça.

Et alors là, ça fait combien de fois que vous tournez en France ?

La quatrième. Deux fois en 2022. On a fait le Motocultor et le Cabaret vert. Et là, on fait notre quatrième fois, oui.

Comment ça se passe de venir en France ? Ce n'est pas trop difficile de venir jouer en France pendant quelques dates éparses ?

Elom : C'est un peu difficile parce que, déjà, il faut savoir que les billets d'avion, ce n'est pas donné. Ce n'est pas donné pour tout le monde. Et surtout quand on n'a pas de tourneur et que nous prenons tout en charge nous-mêmes. C'est ce qui fait que ça rend la chose un peu difficile. Après, pour circuler à l'intérieur (de l'hexagone), on s'arrange. On essaie de trouver des formules qui marchent, mais c'est toujours cher.

Béa, manageuse du groupe : Oui, ce n'est pas facile du tout parce qu'il faut organiser la tournée, avoir suffisamment de dates pour pouvoir justifier une demande de visa. Parce que la difficulté en termes de mobilité pour les artistes africains ou de l'océan Indien ou des Caraïbes, c'est justement d'avoir les visas. Et ça devient extrêmement difficile. Avant, on avait des visas qui pouvaient couvrir une année, qui permettaient de mieux programmer. Maintenant, il faut avoir déjà un planning solide pour pouvoir convaincre les autorités d'accorder ces visas. Arka'n, heureusement, n'a jamais eu de problème. Mais on sait qu'il y a beaucoup d'artistes qui n'ont pas cette possibilité-là. Après, en plus des billets d'avion, il faut effectivement prévoir le déplacement. On ne peut pas prendre l'avion tout le temps, on ne peut pas prendre le train, donc on a une location de van, etc. Donc, on est obligé à chaque fois qu'on a une date de réfléchir à la faisabilité économique du projet. C'est pour ça que, malgré le fait que cette fois-ci on a trois dates, et on est très contents : on a des festivals qui ont fait appel à Arka'n, qui aiment le groupe et le Brin de Zinc qui nous accueille ce soir, on est super contents. Donc, partout où il y a la possibilité que Arka'n joue, que ce soit en salle, que ce soit en festival, on est partant parce qu'on a vraiment besoin de ça, et également pour continuer à faire connaître la musique du groupe, et donc pour avoir de nouvelles dates.

C'est quoi la suite ? J'ai entendu parler d'un troisième album. C'est pour quand ?

Rock : Pour l'instant, on écoute les esprits. On est en train de contempler l'album, de voir quelle forme l'album aura, après on attaque. Il n'y a pas de date fixe, mais disons, forcément, peut-être un single ou une EP qui vient fin d'année, début d'année prochaine.

Et des dates ? Il y a encore une date après celle-là (Au Brin de Zinc) ?

Béa : Et la suite, elle est chouette. La suite, c’est le Chien à la Plumes (à Auxerre) vendredi. Et après, on revient début octobre pour plusieurs dates en France. Pour le moment, on peut annoncer Angers, Omega Sound fest le 10 août. Après, on a une date déjà annoncée pour la Tunisie, le Mena Rock fest à Tunis le 19 octobre. Il y a une belle date à Oslo, en Norvège, le 31 octobre. On est très contents de voir que cette partie de l'Europe cherche à découvrir Arka'n. Et voilà, entre toutes ces dates, il y en a d'autres qui sont en cours de confirmation, évidemment. Donc, le groupe sera là à nouveau en octobre. Et puis, on prépare évidemment les tournées 2026 aussi.

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A propos de Alexis

Le seul fan de Nu Metal dans l'équipe. Heureusement que c'est le patron et qu'il prête la piscine pour les 34h.