Vola - Witness

Vola - Witness

Chroniques 17 Mai 2021
Vola - Witness ou l’opus de la surprise

Bonjour aux amateurs et amatrices de Metal Progressif, le quatuor danois Vola sort le 21 mai chez Mascot Records son troisième album. Ce dernier est mixé par Jacob Hansen, qu’on ne présente plus tellement il est présent sur les albums de Metal Prog ou de Power (Evergrey, Epica, Delain, Primal Fear, ...), contrairement au reste de la discographie qui l’était par le guitariste Asger Mygind, si on omet le premier EP Homesick Machinery mixé par Anders Ruby. Witness se veut donc déjà unique avant même son commencement. Le combo se compose d’Asger Mygind, guitariste et chanteur, de Nicolai Mogensen, bassiste, de Martin Werner, claviériste et d’Adam Janzi, batteur.

Witness se décompose en 9 titres dont les quatre premiers sont les singles sortis à ce jour. Un avantage lors de la première écoute, si vous avez entendu les singles lors de leur sortie, est que l’album vous réservera encore quelques mystères avec les cinq suivants.
Et on peut dire qu’il fallait oser dévoiler presque la moitié de l’album, mais on peut très vite voir qu’entre Straight Lines, Head Mounted Ways, 24 Light Years et These Black Claws c’est le jour et la nuit. Les morceaux sont assez uniques et révèlent déjà le caractère de ce disque : Witness se voudra hétéroclite ! De plus on retrouve les particularités qui ont fait le charme d’Applause of a Distant Crowd avec les chants fédérateurs et les mélodies aux claviers toujours aussi mémorables.

A ce titre, Straight Lines s’approche sûrement plus de Inmazes avec cette alchimie particulière qui fait de ce titre le digne successeur du véritable hit qu’était Stray The Skies. On est facilement happé par les mélodies simples aux claviers et aussi par les couplets quelque peu intrigants et plus acérés que ce que pouvait proposer des morceaux similaires dans la discographie du groupe. On pourra être surpris par le doublement des refrains par un chant guttural lointain ou même par du vocodeur, bref Straight Lines fait mouche directement et fait office d’une magnifique entrée en matière.

Certes, Vola sait nous écrire des hymnes mélodiques mais le combo sait aussi composer des titres aux riffs polyrythmiques et dissonants à la Meshuggah. Cependant Head Mounted Ways se démarque aussi en nous faisant voyager entre les différentes parties du morceau qui sont assez variées. En effet, on est loin d’avoir un résultat stéréotypé, ce qui est rassurant mais aussi bienvenu, avec un côté progressif peut-être plus marqué que son prédécesseur avec un aspect assez alambiqué.

24 Light Years, à l’image de Ruby Pool (à découvrir dans leur précédent disque), fait partie des morceaux plus planants et simples du répertoire du groupe. Des compositions non dénuées d’intérêt puisqu’elles nous permettent de découvrir souvent une autre facette de composition du groupe. Si aux premiers abords il peut paraître peu intéressant, il ne peut que nous faire changer d’avis après plusieurs écoutes. On est en effet surpris de voir à quel point autant de pistes son peuvent se superposer et pourtant paraître si naturelles, que le jeu de batterie d’Adam Janzi est toujours aussi fascinant et que les refrains sont toujours aussi accrocheurs. Bref, sous ses faux-airs de titre anodin, 24 Light Years nous fait bien comprendre que Vola ne fait pas les ballades comme les autres.

S’il y a bien une chose sur laquelle on pouvait être surpris c’est bien l’invitation d’un autre chanteur sur une chanson. En effet, These Black Claws est le premier “featuring” dans l’histoire du groupe, d’autant plus que Shahmen est un rappeur américain, ce qui rend l’idée d’autant plus surprenante mais bienvenue. On pourrait se dire qu’un couplet Rap est un piège dans lequel il ne faut pas tomber pour ne pas paraître cliché et pourtant Vola a su parfaitement l’amener. On découvre alors un rythme joué par une batterie électronique qui semble en 4/4 avec un riff, certes discret, qui nous rappelle le Neo Metal, qui sert de faire-valoir au chant. D’autant plus qu’Asger Mygind reprend la fin de couplet avec un effet sur sa voix pour lui donner le grain assez unique du rappeur. Un titre donc assez original et imprévu qui le rend d’autant plus spécial, surtout qu’il garde toute la puissance d’un morceau dynamique du combo !

Freak est l’OVNI de cet album. Une chanson qui, à la première écoute, ne peut que surprendre. On est estomaqué par sa présence juste après le hit précédent ou 24 Light Years, d’autant plus que son côté très fleur bleue et cliché est très inhabituel pour le groupe. On sera tenté d’attendre désespérément un décollage ou un changement d’ambiance dans ce morceau mièvre, surtout que plusieurs occasions s’y prêtent plutôt bien avant des refrains. Mais on se retrouve toujours avec cette guitare acoustique et un synthé un brin kitsch récitant toujours la même mélodie, il y aura aussi certains backing vocals frôlant les Beatles. Même le solo de guitare est stupéfiant : on découvre un solo à la Steve Morse ou John Petrucci que l’on peut retrouver sur les ballades de leurs groupes respectifs. Si 24 Light Years vous semblait paisible, sachez que Freak l’est d’autant plus. Il sera pour certaines personnes un titre très frustrant mais son côté fleur bleue aura quelque chose d’attachant après coup. En effet, une fois les appréhensions dépassées, on peut enfin l’apprécier pour ce qu’il est : une ballade un peu naïve. Mais c’est justement lorsque l’on prend conscience de cet état de fait qu’on peut la savourer sans réelles arrières pensées, car ce morceau paraît au début bien trop suspect pour être juste ce qu'il est. De plus, son ambiance est en totale contradiction avec ses paroles bien sombres : le protagoniste parle d’enlever le masque à un monstre sous lequel il découvre qu'il cache sa propre personne.

On retrouve un côté familier avec Napalm avec néanmoins quelques expérimentations électroniques comme certains bruitages ou effets posés sur les backing vocals. Pourtant elles sont plutôt agréables et montrent subtilement que Napalm est loin d’être si ordinaire. Par ailleurs, le crescendo intense que l'on espérait tant se dévoilera, pressenti tout d’abord par un calme plat, par cette montée en puissance de la batterie ! Vola sait visiblement quand arrêter de titiller son auditoire. Il sera bon de découvrir tous les arrangements portés sur la voix d'Asger qui annonceront parfaitement cette fin en écho avec un fade out, certes peut-être un peu longuette mais cohérente avec l'ambiance du morceau.

Une fin qui ne pouvait pas nous préparer au début explosif de Future Bird qui sait nous tirer de la rêverie sur laquelle la fin de Napalm nous avait laissé. On y entend alors du piano et une basse omniprésente qui a le droit à ses moments sans la guitare ou un synthé omniprésent. Ce titre se voudra complexe, ou du moins plus que les précédents. Le spectre sonore se veut plus dense mais aussi plus fluctuant, on a parfois du mal à suivre clairement la mélodie avec les quelques interludes présents, même si le synthé nous joue un leitmotiv. Future Bird est certainement la musique la plus difficile à appréhender de cet album. Pourtant il est surprenant de voir que c'est celle qui s'invitera le plus souvent dans vos têtes avec son refrain accrocheur et mélodique. Il est par ailleurs assez étrange pour un morceau à l'introduction aussi brusque de finir en fade out, c'est par ailleurs la première fois que les fins de ce style m'ont sorti un peu des morceaux. Les trouvant un peu forcées, je me suis même demandé si ce n'était pas la première fois que l'on avait le droit à ce genre de conclusion, et pourtant les fins en fade out sont monnaie courante dans les chansons de Vola. Une sensation étrange quelque peu inexplicable mais peut être due au changement de mixage.
Future Bird, même si elle peut laisser de marbre à la première écoute, s'avère être une chanson délicieuse : le chant a quelque chose de rassurant, de stable et de captivant et sa complexité mélodique se dénoue progressivement pour nous laisser avec un titre efficace et toujours aussi agréable à écouter à nouveau.

En restant dans les débuts surprenants, Stone Leader Falling Down adopte un son de guitare étrange qui sera la pierre fondatrice de la mélodie de l'ensemble du morceau. Il s'avère que ce genre d'expérimentations sait faire mouche et nous délivre un riff très entraînant.
Il sera d'ailleurs étonnant de voir que les claviers laisseront libre expression à la basse ainsi qu'à la guitare sur les couplets en restant en retrait jusqu'aux refrains, où ils se feront plus présents tout en restant discrets. Là encore, on retrouve un crescendo efficace amenant à un breakdown particulièrement efficace amorcé par un "Down" en guttural, type de chant qui assurera dorénavant toutes les backing vocals. Les claviers profiteront de cette opportunité pour se montrer plus grandiloquents pour conclure ce morceau par un effet reverse un peu abrupt.

Pour boucler cet album, on peut découvrir Inside Your Fur. Une chanson peut-être plus habituelle avec cette omniprésence de claviers qui nous rappelle l'ambiance de Straight Lines et une structure semblable au précédent disque. A nouveau, les claviers laisseront une plus grande part du spectre sonore à la basse pour les couplets ainsi qu'à la guitare plus ponctuelle. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que, comme pour la plupart des morceaux de Witness, certaines pistes ne sont pas là tout du long mais n’arrivent qu’au moment opportun. On aura aussi le droit à un climax menant tout droit au refrain plutôt qu'à un breakdown ou un pré-refrain.
Le morceau, ainsi que Witness par conséquent, se conclut avec la guitare qui finit en un bruit après le refrain avec les autres instruments et qui s'éclipsent avec un fondu sonore. La fin est certes bien amenée, mais elle n'en demeure pas moins un peu longue, presque une trentaine de secondes. Elle reste cependant supérieure à un fade out traditionnel pour conclure un album.


Vola souhaite avant tout nous surprendre avec cet album ! On trouve notamment le morceau inhabituel Freak, des fins abruptes, des paroles très poétiques, des crescendos à la fois frustrants et fluides (même si on avait déjà un avec Alien Shivers dans le précédent disque), des incrustations sonores particulières, des sons en stéréo, une batterie électronique plus présente, une basse jouant seule avec la batterie ou même des recherches de sons de guitare encore jamais entendus chez eux. Il est d’ailleurs fascinant de voir que malgré la sortie de près de la moitié de l’opus en singles, rien ne pouvait nous préparer aux cinq autres qui sont tout bonnement imprévisibles. J’avais en effet cette crainte de découvrir un album qui avait déjà dévoilé la totalité de ses mystères avant sa sortie, heureusement il n'en est rien et Witness a bien su me surprendre. Cependant, c’est un album sur lequel il faut savoir revenir, en effet la magie de certaines chansons, telles que Freak ou Future Bird, ne s’apprécient qu’après les avoir entendues une première fois. Le seul bémol que je relève est que les fins semblent parfois trop longues voire forcées, à l'image de Stone Leader Falling Down, et qui peuvent nous faire sortir de l'ambiance du morceau en le faisant durer de manière superflue.
J’avais déjà été fort étonné par Applause of A Distant Crowd lors de sa sortie et le groupe a encore renouvelé l’exploit ! On navigue à nouveau entre des titres aux ambiances uniques et singulières et d’autres plus communes avec toujours ce côté accrocheur dans les refrains ainsi que dans les mélodies aux claviers. Bref, Vola a repris la magie étrange du précédent disque pour en faire un nouveau tout aussi surprenant aux premières écoutes, mais qui se magnifie à travers le temps. Et le brin de magie de Vola qui transforme ces albums énigmatiques en purs bijoux sonnant terriblement naturels fera encore son office.

A propos de Gauvain

Jadis chroniqueur acharné, Gauvain préfère dorénavant occuper son temps libre à l'animation de lives hebdomadaires sur notre chaîne Twitch à la découverte de groupes intéressants. La légende raconte qu'on y passerait jamais de Metal... Il n'est cependant pas rare de le voir publier quelques articles à l'année quand l'envie lui prend.