A Novelist - Folie

A Novelist - Folie

Chroniques 8 Février 2019
Savez-vous ce qu’est la folie ? Comment définir un terme aussi large et qui décrit tant de choses à la fois me direz-vous ? Et bien avec un album de Death Progressif de 58 minutes ! C’est ce que nous propose A Novelist avec Folie, sorti aujourd’hui.

Originaire de Louisiane, A Novelist est un duo formé par Ben Nugent et Alex Babineaux. Avec un premier album, Portraits , en 2015, le groupe lâche déjà une pépite de Death Progressif, dans un style très particulier, à la fois éclectique, accrocheur, ambiant et surtout jazzy. Mais ce style atteint son apogée avec Folie. Déjà, il faut bien comprendre que A Novelist est un groupe qui n’a pas pour but de donner des concerts, mais de ne proposer qu’uniquement des sorties studios (en tout cas pour l’instant), ce qui donne au duo une approche assez particulière de l’écriture. En effet, cela libère la plume des deux compositeurs de nombreuses contraintes, comme la limite d’instruments, ou la sonorité de certains riffs dont les subtilités ne pourraient être entendues qu’avec un enregistrement de bonne qualité. Cette absence de limite fait partie des nombreuses forces de cet album, le rendant encore plus qu’original, je dirais même extravagant. 

Commençons par parler de l’aspect « Death » du groupe. Folie propose deux types de riffs récurrents. Des riffs typés Black Metal en tremolo, ayant pour intérêt d’être souvent harmonisés par une ou plusieurs guitares, avec également une abondance d’accords aigus bien dissonants, qui rappellent beaucoup Emperor par endroits. Et pour contraster, des riffs très mélodiques et techniques, à base d’harmonies de guitares ultra accrocheuses, que l’on pourrait retrouver chez le Death post Human, ou Obscura. Décrit comme ça, pour du Death Prog, le riffing du groupe ne semble pas terrible du tout. Et honnêtement, j’en suis le premier surpris, la force de A Novelist ne réside pas dans ses riffs. Moi qui, en tant qu’amateur de Prog et de musiques techniques, ait toujours considéré les riffs comme la principale essence qualitative d’un groupe, Folie m’a donné une bonne leçon. 

Car A Novelist révèle tout son intérêt dans sa composition avec un grand C. Comme je l’ai déjà dit, le groupe n’a pas de limite instrumentale, et peut donc se permettre des arrangements absolument dingues que l’on n’entendrait nulle part ailleurs. Le duo a donc fait le choix d’incorporer du saxophone, et ce comme un instrument à part entière dans sa formation. Mais le plus intéressant réside dans l’utilisation du sax, joué par Marc Linam, avec ses différentes harmonies, et la façon dont il s’immisce si bien à un Death Prog à première vue « basique ». Ce n’est pas le sax en soi qui rend cet album si remarquable, mais l’ambiance qu’il apporte, très sereine, même « chill », puisque ce mot est à la mode. Cette atmosphère si paisible est tranchée par un Death Prog sombre, torturé, démoniaque et malsain, le tout est alors bipolaire, imprévisible, mais terriblement addictif. 

Cet album incarne littéralement la folie dont il porte le nom. Cette folie est principalement portée par la voix de Ben Nugent, tantôt monstrueuse, délivrant un growl inhumain, tantôt majestueuse, pleine de désespoir dans un chant clair aiguë extrêmement bien maîtrisé, tantôt intimiste, avec des chuchotements mystérieux et obscurs. Et comme déjà évoqué, les morceaux changent souvent d’ambiances, ce qui amènent de magnifiques progressions, comme dans Exteriors, qui est certainement le titre le plus accrocheur de l’album, s’ouvrant sur une lead de guitare ultra virtuose, pour finalement se terminer sur un riff final arpégé, paisible, mais dont l’instabilité reste présente, avec la distorsion des guitares. L’image qui me vient à l’esprit après de nombreuses écoutes de Folie, est celle d’un Jazzman sous LSD qui aurait passé un pacte avec un démon pour écrire de la musique totalement aberrante et insensée. C’est vraiment cette ambiance Bluesy déséquilibrée qui caractérise la plupart des morceaux de Folie, et je parle bien d’ambiance, parce que utiliser 3 chromatismes pour faire genre, c’est pas bluesy du tout. 

Dit comme ça, l’album peut sembler difficile d’accès, mais il l’est en fait surement moins que son prédécesseur, Portraits. On trouve tout de même des morceaux très directs, comme Learning Paralysis ou Crestfallen, qui gardent cette atmosphère Bluesy dans les modes de composition utilisés, au travers d’un Death Prog ultra efficace. Et même pour les morceaux plus « bizarres » comme Acacia Crown ou Interiors, qui clôture l’album par une mélodie que je cherche encore à comprendre, vous finirez par les adorer. Vous redemanderez de cette sérénité constamment troublée par un tourment viscéral, parfois sublimé par des leads de guitare orgasmique, comme le fabuleux duel de sweep picking dans Tombeau, qui vous transportera des abysses les plus noires aux cieux les plus lumineux.

J’avais d’abord continué à écrire cette chronique en analysant les différentes caractéristiques des morceaux et des riffs du groupe, mais au final je pense que ce n’est pas pertinent pour parler d’un album aussi à part dans le Death Prog. Etant fan de Prog en général (comment ça je l’ai déjà dit ?), je dis souvent à mes potes « Nan mais le prog c’est plus que de la musique », à la fois pour rigoler mais aussi pour exprimer une certaine idée que je pense vraie. Et bien là pour cet album, je devrais dire « Nan mais A Novelist c’est plus que du prog ». Cet album se fiche de tous les codes instaurés par le Death Prog, il va plus loin : structure, technique, originalité, guitares en contrepoint, batterie créative, concept, riffing éclectique, etc… Finalement, A Novelist se fiche de tout cela, ce groupe se fiche de plaire à qui que ce soit, il se contente de créer son univers dans son coin. Libre à nous d’y entrer ou pas à nos risques et périls. Le risque étant d’être tellement imprégné de cette folie noire que l’on finit par perdre toute raison et logique quand il s’agit de réfléchir sur cet album.  

C’est surement la première fois que je galère autant à mettre des mots sur ce que j’éprouve pour un album dans une chronique, car vraiment, A Novelist est très difficile à cerner et à décrire tant la musique de ce groupe est intime, viscérale. Ce groupe me rappelle Tool, non pas dans la musique, mais dans son aspect très perché, où il faut plonger la tête la première pour pleinement en profiter, et où une fois confortablement immergé, il devient impossible de s’en lasser. Il suffit juste de se laisser prendre par l’ouverture Folie Noire pour se retrouver emprisonné, à la merci de A Novelist et de son album.