Chronique : Terreur Nocturne - Solitude Post-Mortem
Bonjour à toutes et à tous,
Voici une nouvelle chronique qui sera sans doute raisonnablement plus courte que les précédentes. Pas de texte de 12 pages Word cette fois, juste une petite chronique toute simple. La raison ? D’habitude, je vous parle d’albums et de groupes que j’ai turbo-poncés, dont je connais l’intégralité de la discographie par cœur. Pas cette fois. Aujourd’hui, je vous parle d’un groupe que je ne connais pas.
Le sujet du jour, c’est le premier album de Terreur Nocturne, projet de Black Metal mélodico-dépressif français, qui s’appelle Solitude Post-Mortem. C’est sorti le 13 octobre chez Music-Records. Pourquoi ce groupe ? Et bien, pour tout vous dire, aux guitares se trouve un certain Macchabée Artworks, l’homme derrière la bannière qui fait l’identité de notre site Internet et de nos réseaux. Il est donc tout naturel que l’on prenne le temps de parler de son groupe.
Le projet comptait déjà dans sa discographie un EP, Royaume Onirique, sorti en 2021, mais je n’en avais pas entendu parler jusqu’alors. S’ensuit donc un premier album, un objet plus dense, qui s’étend sur 9 pistes et 52 minutes, dont voici le listing :
1. Hommage post-mortem
2. Précipices
3. Terreur nocturne
4. Fardeau de mes peines
5. Παρθένος θάνατος
6. Le bal des condamnés
7. Malédiction fantasmagorique
8. Tribulations
9. L’écho muet de mes plaintes
Comme à mon habitude, avant de rentrer dans la musique elle-même, je vais commenter la pochette. Bon, la différence c’est que cette fois-ci, puisque c’est Macchabée Artworks qui, sans surprise, a fait la pochette de l’album de son groupe, il y a quand même de fortes chances qu’il lise ce que je vais écrire, donc j’espère ne pas me faire taper sur les doigts si je dis des conneries !
On voit en fond une grande silhouette noire, électrisée et tentaculaire, qui semble se la jouer nécromant en ressuscitant les âmes enterrées dans ce cimetière pour se constituer une armée de spectres. Ceux déjà asservis sont verts, bien rangés et avancent vers la personne qui observe le tableau. Les fantômes qui se réveillent sont bleutés, peut-être parce que pas encore sous le contrôle du big boss au fond de la peinture. Mais j’imagine que ça ne saurait tarder. Ce qui va m’intéresser plutôt c’est le petit fantôme qui se cache face à tout ce tintamarre, un enfant sans doute, recroquevillé derrière sa pierre tombale et tenant un lapin en peluche fantôme. On remarque également une gravure sur sa tombe. On peut y lire : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants », une citation de Jean d’Ormesson. C’est à se demander ce que peut bien représenter ce petit fantôme. Les vivants ? Ou ce sentiment gravé dans le marbre devant lui ? Un mort qui se souviendrait encore de la vie ? Et qui, par conséquent, ne voudrait certainement pas rejoindre la cohorte zombifiée qui se tient devant lui. Je spécule, évidemment je suis peut-être complètement à côté de la plaque. Mais si cette dernière hypothèse semble tenir debout, elle se lie aussi bien avec le titre de l’album, Solitude Post-Mortem, ou ce petit fantôme, encore « vivant » d’une certaine manière, se retrouve esseulé face à la hantise générale qui s’attroupe devant la grande silhouette noire. En même temps, je le comprends. C’est déjà pas très sympa d’être mort, mais si en plus il faut se faire zombifier par une liche démoniaque, non merci.
Bref, passons à la suite. Entre temps, voici un petit lien pour écouter l’album :
La musique, maintenant.
Hommage Post-Mortem
Comme dit plus haut, nous sommes sur du Black Metal mélodique un tantinet dépressif, avec une forte odeur de cimetière. En effet, l’intro du premier morceau ne trompe pas, on entend des pelletées qui retournent la terre, sans doute pour envoyer un défunt vers son dernier voyage. Petit riff mélancolique pour commencer, avec un chant saturé dont on discerne bien les mots. Niveau hauteur, il n’est pas très aigu, contrairement à ce qu’on entend souvent dans le genre, sans pour autant être grave. Il me rappelle un peu le chant de Sparda (voir Créatures – Le Noir Village), bien que peut-être un peu plus linéaire ici. Certaines parties en chant clair apportent une variété qui est à mon sens plus que louable. Je trouve que les riffs et mélodies tuent, pour dire ça simplement, et montrent une richesse de composition qui fait plaisir à entendre, surtout quand on sait que c’est un premier album. On y entend aussi fréquemment des guitares acoustiques, qui vont dans le même sens que le chant en termes de volonté de variété, et c’est vraiment cool. La batterie est plus typée Black old-school, dirais-je, avec des sections lentes, des blasts mid-tempo ; pareil, rien n’est trop linéaire, on change de rythme assez souvent. Dans l’ensemble, si je parlais plus haut de Black mélo-dépressif, je pense qu’on peut dire que ça Prog un peu aussi ici et là.
Les paroles reprennent à contre-courant l’idée de la citation d‘Ormesson sur la tombe de la pochette. La citation en question disait que c’était beau de se souvenir des trépassés, et de ne pas les laisser tomber dans l’oubli. Les paroles ici disent justement qu’il n’est pas rare que les morts disparaissent des mémoires. Quand on pense à toutes les personnes décédées dans des conflits et guerres de par le monde, on comprend bien d’où peut provenir cette idée. Mais sans doute également dans le cercle plus fermé des familles, on oublie peu à peu, génération après génération, nos grands-parents, arrière-grands-parents, et ainsi de suite. C’est le cycle de la vie, dans une certaine mesure. Mais c’est dommage, en y réfléchissant. Certaines histoires contées par nos ancêtres méritent qu’elles soient transmises aux plus jeunes qui ne les ont pas connus.
Précipices
On commence avec le même genre de riff mélancolique en introduction, suivi par la batterie et la basse qui viennent accompagner le tout. Le morceau va vite dans des rythmes plus effrénés et des blast beats qui montent les BPM plus hauts que sur le premier morceau. On a, sur ces parties rapides, des leads de guitare qui valent le détour (et oui, on peut mettre des solos de guitare dans le Black Metal) et nous renvoient à des univers de Heavy Metal plus traditionnel.
Textuellement, un petit bravo pour l’effort, le morceau est principalement écrit en alexandrins avec césure à l’hémistiche, comme on le fait en poésie classique. Il ne m’aura pas échappé que le « somnambule errant aux bords des précipices » évoqué dans le texte est un emprunt direct aux « Litanies de Satan » de Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal. Le morceau s’entend alors comme une célébration de la solitude, se positionnant face à un monde chiant et rempli de problèmes, et des personnes que l’on préfèrerait ne pas fréquenter.
Terreur Nocturne I (Feat. Wÿntër Ärvn)
La recette, musicalement, reste similaire. On navigue dans des tons mélancoliques, menés par des leads de guitare qui vont dans le même sens. On note la présence d’un guest au chant sur le morceau, Wÿntër Ärvn, issu d’Aorlhac, qui, si mes infos sont bonnes, avait déjà collaboré avec le groupe sur leur premier EP. C’est bien, parce que ça apporte de la diversité au niveau du chant, et ça passe super ! Petite précision supplémentaire, vous voyez sans doute comme moi le petit « I » à côté du titre du morceau. Bon, il n’y a pas de partie II sur l’album, mais peut-être que ça viendra plus tard.
Les paroles, j’imagine, viennent décrire un cauchemar, ou plus précisément, ces épisodes cauchemardesques qu’on appelle justement des « terreurs nocturnes », pendant lesquels on peut être amené à gesticuler, crier et se débattre bien plus fort que dans un mauvais rêve classique. Ces terreurs peuvent être des expériences très désagréables. Ici, on a l’impression que quelque chose veut piéger le rêveur dans son cauchemar, et le traîner jusqu’au Royaume Onirique (titre du premier EP, mentionné ici dans les paroles).
Fardeau de mes Peines
Voici le titre qui a été utilisé comme premier single pour la promotion de l’album. Un morceau plus rentre dedans, qui blaste dès le départ. J’avoue que j’ai été surpris en l’écoutant la première fois, n’ayant pas connaissance du groupe auparavant. Je me suis tout simplement dit : « Eh, c’est pas mal, ça ! » Le morceau apporte pas mal de chant clair, et en ce sens c’est peut-être mon favori de l’album. J’aime bien le chant clair dans le Metal extrême, et je trouve qu’il s’y prête bien ici, autant sur les parties plus violentes que sur les parties acoustiques.
Les paroles nous présentent le sujet de l’histoire comme « bloqué entre sommeil et réalité », un état fort peu sympathique que l’on peut ressentir quand on souffre de terreurs nocturnes ou de paralysie du sommeil. Cela semble donc prendre la suite du morceau précédent, thématiquement, à ceci près qu’avant, j’avais le sentiment que le protagoniste de cette affaire se débattait encore, là ou ici, il embrasse l’état inévitable qui lui est échu. D’un côté, un fardeau, c’est quelque chose dont on ne peut pas échapper, qui pèse sur les épaules jusqu’à ce qu’elles cèdent.
Παρθένος θάνατος
Je pense que ce que l’auteur entendait ici, c’était quelque chose comme « la vierge morte/tuée ». En effet, le morceau nous parle d’un temple assailli par des guerriers sanguinaires qui tuent tout le monde pour prendre pouvoir sur ce territoire, pendant que l’on suit une jeune fille qui tente de s’enfuir. Le morceau prend des couleurs moins extrêmes, avec une seconde partie presque Gothic Metal, je dirais, faute de meilleur catégorisation.
Le Bal des Condamnés
Ce morceau fut utilisé comme second single pour la promo de l’album. On oscille entre des mélodies mélancoliques, comme on en a depuis le début de l’album, auxquelles on peut rajouter des teintes épiques. La réplique « Dans, danse », qui revient à plusieurs reprises à la fin du morceau, est accompagnée de guitares très chantantes ; certes, pas pour le bal le plus fun du siècle, mais ça marche à merveille. Bref, un excellent morceau.
Toujours coincé entre rêve et réalité, on se trouve ici littéralement à l’arbre aux pendus, à ceci près que nos âmes égarées ne se rendent pas compte que la forêt qui les accueille sera leur tombeau, au moment où la corde cerclera leur cou. Les pendus chantent et dansent leur dernier hymne jusqu’à ce que la fin ne les étouffe.
Malédiction Fantasmagorique
Petite intro légèrement dissonante, avec un assemblage de guitare acoustique et de tremolo picking sur l’électrique. Le morceau reste dans l’ensemble mid-tempo sur toute sa durée et maintient cette combinaison acoustique / tremolo électrique, jusqu’aux trente dernières secondes, ou ça redémarre avec des blasts effrénés qui se terminent dans un fade out.
Le morceau nous explique le cycle dans lequel le rêveur se trouve, à chaque cauchemar marqué au fer par des démons qui le transporte dans ce même univers délirant où il se fait jeter en pâture aux créatures des ténèbres. La marque reste gravée sur son front, même dans l’éveil.
Tribulations (Feat. Erroiak)
Deuxième morceau avec un invité relativement connu dans l’underground Black Metal français, Erroiak, avec son projet à son nom, ou encore Enterré Vivant et Kaldt Helvete. Encore une fois, comme pour le morceau « Terreur Nocturne I », avoir un guest au chant permet de varier les cris, d’autant plus que comme Wÿntër Ärvn, le chant d’Erroiak est reconnaissable et se démarque bien du reste, donnant une touche supplémentaire bienvenue. Musicalement, le morceau est assez lent, dissonant, et Doom pas mal, presque.
On nous y présente un personnage qui doit faire face à sa malédiction (la même que celle du morceau précédent), et qui est confronté au Roi de ce Royaume Onirique et à ses troupes asservies. Je conjecture, mais j’imagine que c’est la grande silhouette noire que l’on voit sur la pochette. Le personnage essaie de déjouer le contrôle mental que le Roi exerce sur lui, avec grande difficulté. Il veut conserver son humanité, mais l’ombre lui certifie que bien assez tôt, il rejoindra ses hordes fantomatiques.
L’Echo Muet de mes Plaintes
Nous voilà enfin au dernier morceau de l’album, qui comme son nom l’indique, nous accueille avec des pleurs enregistrés en introduction. Musicalement, le morceau est fidèle au reste e l’album, du Black mélancolique de qualité, avec des sections lentes, d’autres mid-tempo, et des blast frénétiques, pour finir sur un outro acoustique.
Les paroles évoquent le destin tragique de celles et ceux, qui torturés, s’enferment dans leurs propres cauchemars, abreuvés de peur et de désespoir. Toutefois, on termine sur une note « d’espoir », dans le sens où on évoque la résilience. Evidement, vivre dans la tristesse et la dépression n’est pas exactement amusant, mais doit-on abandonner la vie pour autant ? Comme le personnage l’a fait dans ses cauchemars, il faut savoir résister à ses maux pour aller de l’avant.
Je finirai donc là-dessus ! Terreur Nocturne nous propose un premier album de qualité, que j’ai failli ne pas voir passer, ce qui aurait été dommage. Les compos sont vraiment cool, la richesse des leads de guitare et des riffs m’a surpris dès la première écoute. Je salue la performance vocale, qui malgré un chant saturé qui ne m’a pas forcément marqué au départ, s’ouvre à d’autres horizons avec du chant clair et des chœurs pour varier les plaisirs, et deux invités pour apporter différents tons à ces cris. Bref, si vous aimez le Black Métal mélodique, les ambiances mélancoliques et tristes, cet album est fait pour vous ! Pour rappel, c’est sorti chez Music-Records, donc il ne vous reste plus qu’à retrouver votre disquaire préféré pour le commander !
Au revoir, à bientôt.
Voici un lien vers la vidéo récapitulative de la chronique, si ça intéresse quelqu'un de la visionner :
A propos de Hakim
Hakim, il ne faut pas le tenter. Tout est prétexte à pondre une chronique de 582 pages (Tome I seulement). De quoi vous briser la nuque en lâchant la version imprimée depuis une fenêtre. Un conseil : Levez les yeux !