Mini-Chronique : Hypno5e - Acid Mist Tomorrow fête ses dix ans

Mini-Chronique : Hypno5e - Acid Mist Tomorrow fête ses dix ans

Chroniques 28 Août 2022

Vous avez de la chance. Les chroniques à l’oral, ça va plus vite que sur papier. Sinon, celle-là aurait encore fait 12 pages. J’avais prévu de vous la proposer en live durant les 34h, mais le temps ne nous a pas permis de tout faire. Je vous propose donc cette chronique abrégée (à l’échelle de ce que je vous sors d’habitude).

 J’aime bien l’idée des chroniques anniversaires, et la suivante arrive pour marquer les dix ans d’un album que j’aime beaucoup, beaucoup. C’est français, c’est un groupe de qualité supérieure, signé chez les excellents Pelagic Records ; je vous parle d’Hypno5e, et en particulier de leur deuxième album, Acid Mist Tomorrow, sorti en 2012.

Afin de vous familiariser avec la chose, je vous propose d’écouter tout ça tranquillement posé au fond de votre chaise/fauteuil/canapé :

Hypno5e est un groupe qui fait constamment référence à l’altérité et à la Bolivie, par l’intermédiaire du chanteur/guitariste Emmanuel Jessua, qui en est originaire. De façons indescriptibles sinon par magie, le son du groupe oscille entre des moments de poésie intense et de violence sans pareille, avec des références littéraires et filmiques extrêmement fréquentes, amenées sous formes de samples, principalement issus de littérature et cinéma français, mais pas que. En bref, c’est un groupe qui est mélancolie/20, qu’on peut associer au Post-Metal/Metal expérimental, avec des racines Hardcore. Le groupe propose, pour qualifier son produit, la terminologie « Cinematic Metal ». C’est un groupe qui maîtrise à la perfection l’art de me faire me rouler en boule et pleurer. Une flaque de larmes à mon nom gît sur le sol, devant la scène du Rock’N’Eat.

Les compositions d’Hypno5e sont toujours très longues, si bien que souvent, les pièces sont découpées en plusieurs parties. 53 minutes, 5 morceaux, si on recolle chacune de ces parties. Je vais essayer de parler brièvement de chacune d’entre elles.

« Acid Mist Tomorrow », déjà, premier titre de l’album et morceau éponyme, dix minutes de délicieuse souffrance, soutenue par notre cher Albert, le roi de l’absurde. Gardez à l’esprit que les références sont principalement issues de mouvements absurdistes/surréalistes, et amènent tout ce que cela implique dans le désespoir musical que ce groupe représente. Plusieurs samples sont issus de la conclusion de L’Etranger, et la fin, elle, provient du film la Belle et la Bête, de Jean Cocteau.

Notez comme le chanteur oscille entre un chant écorché comme un animal blessé, et un chant clair, poétique comme personne d’autre ne saurait le faire. Je pense que cela vous donne l’esprit général de cette œuvre. Ensuite, vous avez « « Six Fingers in One Hand and She Holds the Dawn » / « Story of the Eye » ; où se mêlent dans ce style des citations d’Antonin Artaud, de Gérard de Nerval, de Man Ray. On semble y faire écho à la mort, au non-sens de la vie, à la solitude, telle qu’elle peut nous être inspirée par un paysage brumeux sur l’horizon d’une mer sans mouvement. Ca, mes amis, concrètement, c’est la pochette de l’album.

Ensuite, nous avons le morceau « Géhenne ». Je me permets de rappeler qu’Emmanuel Jessua est originaire de Bolivie, ce qui fait qu’ici et là, il se permet l’usage de l’espagnol, comme c’est le cas sur ce morceau. Géhenne entame avec le fun inimitable de Blaise Pascal, et l’idée de la désertification de la Bolivie, pour laquelle on peut penser au peuple qui fuit vers des terres plus sereines, mais aussi au lac Tauca, asséché depuis des milliers d’années sur l’altiplano, un haut lieu de la poésie dont s’imprègne Hypno5e.

La seconde partie du morceau est entamée par Jean-Luc Godard, dans Pierrot le fou. Ou plutôt, une citation de Godard qui cite Elie Faure qui nous parle de Velazquez. L’espace règne, le vide prend ses droits sur l’étendue de l’impondérable poussière, si je puis me permettre de faire une référence supplémentaire au film. Entre nostalgie et crise identitaire, la troisième et dernière partie vient conclure, avec l’aide de Jack Kerouac et d’Apollo 440, groupe de musique électronique avec lequel il a collaboré.

Le dernier morceau s’intitule « Brume, unique obscurité » ; Nous revenons sur les fumées indicibles qui ornent le paysage de la pochette de l’album, pour conclure sur des dernières notes de dépression. J’espère que ça vous a plu !

Un album qui fête ses dix ans ; d’ailleurs, le groupe fait quelques dates en ce moment où ils rejouent ce dernier dans son intégralité. Ce serait cool à voir. En attendant la suite (ou la préquelle, pour celles et ceux qui n’avaient pas remarqué le « partie II » caché à côté du titre) de « A Distant Dark Source », leu dernier né en 2019.

Prochaine grosse chronique, le nouvel album de Sigh. Tenez-vous prêts.

A propos de Hakim

Hakim, il ne faut pas le tenter. Tout est prétexte à pondre une chronique de 582 pages (Tome I seulement). De quoi vous briser la nuque en lâchant la version imprimée depuis une fenêtre. Un conseil : Levez les yeux !