Mist of Misery - Unalterable
Paru en ce mois d’avril
2019 chez Black Lion Records, Unalterable tranche avec la discographie
de Mist of Misery par sa longueur impressionnante – plus de deux heures
– et sa pochette dégueulasse particulière. Avec des chansons plus
longues, la composition de cet album s’est faite sur cinq ans et comporte donc
des influences de toutes les périodes du groupe malgré un thème récurrent au
sein de celles-ci : le malheur de l’existence.
Comme à l’accoutumée chez Mist
of Misery, l’album s’ouvre sur trois minutes d’ambiance avec des chœurs
assez éloignés et des violons légers qui viennent les accompagner. On sent déjà
la volonté du groupe de nous placer dans un état de recueillement par cette
ambiance qui pousse l’auditeur dans son intériorité.
Les arpèges à la guitare au son léger et métallique viennent modifier cette
atmosphère sans pour autant faire une rupture brutale, c’est un changement
d’ambiance sans être un changement de style qu’inaugure Halls of Emptiness.
Une levée de batterie laisse la place à des voix graves, proches des chants
grégoriens qu’utiliseraient Batushka et eux-mêmes vont être trahis par
le chant guttural aigu de Mortuz Denatus. On est donc à la septième minute de
l’album et on a déjà une des principales forces de Mist of Misery :
ce chant endolori et puissant qui exprime si bien sa peine. L’autre
caractéristique à laquelle nous avons droit dans ce morceau est la guitare lead
bien distincte qui vient insuffler la mélodie en contrepoint des guitares black
qui viennent saturer et alourdir l’espace sonore. Un essoufflement au violon
soliste viendra entamer la mélodie qui sera reprise lors du pont musical et
nous mènera sur des blast beats assez lents accompagnés de synthés au son
étouffé comme on en trouverait chez Eldamar avant de laisser le dernier
mot au piano.
Les synthétiseurs se
retrouvent dès le troisième morceau, Heir of Misfortune où ils entament
le morceau avec un son vibrant qui rappellerait les atmosphères montagneuses
d’un Stronghold. Une descente de basse fait alors office de levée nous
menant sur des blast beats rapides aux accents sur les dômes de cymbale. On
commence alors à entrevoir les grands moments du groupe, avec une efficacité
redoutable bien que le mixage soit alors assez lisse et ne rende pas honneur à
la rudesse de l’atmosphère ; et c’est à peine si le tremolo picking vient
endurcir la chose. Il faut attendre pour cela la timbre de Mortuz Denatus et la
double pédale pour avoir une mélodie qui ne soit plus dictée par les claviers
mais par la guitare et le chant éraillé. Mais un contraste net est tracé avec
le moment suivant, qui rompt avec la véhémence au profit d’un passage parlé qui
évoque le malheur toujours auprès de nous. Proche d’une oraison funèbre, la
voix laisse place à un retour des guitares lentes qui ont quelque chose d’un
requiem dont la torpeur n’est brisée que par un cri poignant et rêche, prémisse
d’un Black Metal dépressif et mélodique – presque symphonique – grandiose et
captivant bien que toujours empreint de deuil.
Toujours dans cette
dimension symphonique, A Forest of Disenchantments s’ouvre sur des
chœurs sopranos et altos qui donnent le ton à la guitare médium accompagnée de
claviers à la Summoning qui vont doubler leur allure alors que la grosse
caisse passe à la double-croche. On retrouve aussi quelques passages de guitare
mais les claviers et les chœurs vont être les principaux acteurs de ce morceau
puisqu’il est instrumental, ce qui lui confère une portée romantique et
mélancolique, comme si cette forêt était nimbée de chants de nymphes.
S’en suit ensuite Red
Snow qui est un morceau assez spécifique puisqu’il s’agit d’une reprise de ColdWorld.
Le son est plus raw que les autres morceaux de l’album mais la mélodie est tout
de même plus intelligible que sur Melancholie². Ce son plus granuleux
nous renvoie aux premiers albums de Mist of Misery et affirme sans aucun
doute que les influences Depressive Suicidal Black Metal du groupe vont bien
au-delà des thèmes évoqués. La troisième minute du morceau comporte par
ailleurs un passage brillant en staccato au violon qui le ferait ressembler à
un tremolo picking plus mélodique qui vient inquiéter la mélodie en faisant
l’effet lugubre d’une angoisse haletante. La fin du morceau sera elle aussi
très réussie avec la guitare sèche en arpèges qui achève par sa sobriété ce qui
a tout l’air d’être un suicide en hiver.
L’ouverture à la guitare de
Desolation fait à ce titre une belle continuation de Red Snow
puisque on retrouve des arpèges sobres à la guitare désormais électrique, et
non acoustique. Les riffs de guitare black viennent ensuite déchirer l’espace
sonore accompagnés d’un bruit blanc et sourd qui sort très vite de notre
perception auditive mais qui contribue à une ambiance angoissante, comme un
acouphène qui viendrait en bourdon. Le Black va ensuite s’intensifier avec de
la double pédale, des blast beats rapides et un chant Black rageant que l’on
retrouve enfin – après plus de trois morceaux ! Enfin, on n’est plus dans
le désespoir qui sanglote mais dans le désespoir qui hurle, principal atout de Mist
of Misery pour faire des morceaux émouvants mais aussi et surtout
empoignants. On regrettera tout de même un autre intervalle conté qui vient
terriblement ralentir l’album et le fait perdre en énergie, bien que celui-ci
soit suivi d’un autre passage de Black dynamique dont le piano aux groupes de
triples croches vient décaler les temps forts.
Enfin, cette première
partie d’album s’achève sur une autre curiosité puisqu’il s’agit d’une suite à Bleak
Autumn que l’on trouve dans Temple of Stilled Voice, paru en 2014 et
réédité en 2017. Mais, ce n’est une bizarrerie qu’à moitié puisque le groupe
est habitué à faire des suites à ses morceaux : Euthanasia d’Absence
et Shackles of Life de l’album éponyme y ayant eu droit eux aussi. Une
fois de plus – et peut-être une fois de trop -, le morceau s’ouvre sur un long
passage parlé. Cependant, celui-ci est moins dérangeant que les autres car il
est accompagné d’une vraie partie mélodique et rythmique qui le rend moins
ennuyeux. Somme toute, il serait même plutôt bon puisqu’il fait un bon incipit
à la voix aiguë de Mortuz Denatus dont le grain déchiré vient contraster avec
la voix grave et posée du narrateur. On remarquerait peut-être un son de
guitare un peu plus saturé que celui des autres morceaux et cet élan black
achève ce premier volet avec une puissance qui nous rappellerait les premiers
albums de Mist of Misery puisqu’on y trouve à la fois la rage du Black
Metal, les mélodies du Black symphonique et les thèmes du DSBM.
Le deuxième CD de cet album
s’ouvre avec du piano et de la guitare dans un style plus épuré que
précédemment. Long de onze minutes, A Hollow Promise vient chambouler
par sa construction ternaire les riffs binaires que l’on trouve classiquement.
Une autre particularité de ce titre est le solo guitare-piano qui est assez
rare dans le genre et qui vient accentuer le côté mélodique du groupe.
Cependant, Mist of Misery reste un groupe de Black et nous le fait bien
comprendre à la sixième minute avec un changement radical d’ambiance au profit
de guitares plus graves et baveuses au rythme quasiment militaire qui changent
des guitares aiguës habituelles qui donnent la mélodie.
S’en suit ensuite Embracing
Ruin, un morceau assez classique de dix minutes puis Stormblåst, une
autre reprise mais cette fois-ci de Dimmu Borgir. Seul morceau en
norvégien de l’album, cette reprise est une franche réussite. On sent toute
l’influence qu’a eu Dimmu Borgir sur Mist of Misery au travers de
la composition et des mélodies, ce qui rend bien hommage au groupe d’origine, mais
Mist of Misery ne se trahit pas pour autant puisqu’il garde des chœurs
bien présents, la voix aiguë de Mortus Denatus et un mixage plus propre que
celui du morceau d’origine. Mais il nous faut porter un énorme bémol sur la fin
des paroles, déclamée d’une voix claire du fond de la gorge qui n’est
clairement pas maîtrisée car trop grave pour le chanteur, ce qui la rend à
peine audible et sans tessiture.
On passe ensuite à The
Dying Light qui n’est pas cette fois-ci une reprise de l’album de Judas
Iscariot, bien que le début sursaturé et dissonant sonne Raw Black Metal.
Mais la mélodie s’éclaircit ensuite avec des claviers qui viennent rejoindre
les guitares, ce qui est assez courant mais les guitares brutes en fond donnent
une épaisseur différente à l’atmosphère. Cette atmosphère spécifique sera
ensuite accentuée par les accords suraigus du piano qui apportent un son assez
vif et cristallin qui vient trancher la composition. Ce son est un des réels
apports de Mist of Misery à cette seconde partie d’album, jusqu’alors
assez classique.
De même pour Within Dark
Dreams, lui aussi très ordinaire, sans trop de spécificité sinon le
hurlement quasiment à nu qui ouvre le morceau. Son successeur, Unalterable,
a bien plus de choses pour lui. Musicalement, le morceau comporte
quelques surprises avec de l’orgue et de la harpe mais on retrouve tout de même
les grands axes de Mist of Misery avec des chœurs, un chant guttural
aigu, une guitare lead perçante par-dessus les guitares black et des violons…
Mais, le principal intérêt de cette piste n’est pas tant musical – bien qu’il
soit correct – mais plutôt cinématographique puisqu’elle dispose d’un clip. Et
là où le clip aurait pu marquer un certain nombre de points, il est lui aussi
trop classique. On y voit une église, des bâtiments en ruine, un effet de
lumière au bout du tunnel avec des ombres qui passent devant et des paysages,
le tout en des plans contemplatifs assez vides – donc assez chiants. La seule
spécificité du clip, qui a pu en déranger certains, est de montrer des vidéos
de personnes qui s’apprêtent à sauter d’un pont suspendu. Mais ce serait être
hypocrite que de leur reprocher, Mist of Misery s’est toujours
revendiqué DSBM et a au moins la franchise de le reconnaître.
Enfin, l’album se finit comme il a commencé
c'est-à-dire par une outro de trois minutes au piano et au violon. Du moins,
c’est ce que je me disais… Et il s’avère que j’ai parlé un peu trop vite, je
m’attendais à une conclusion au violon, au piano et à l’ambiance de pluie et on
a là un morceau à l’ambiance de pluie, au piano et à l’alto semble-t-il.
Surprenant - note-t-il ironiquement!
Et c’est là le principal
problème de cet album : tout est trop classique et trop prévisible. Bien
sûr, il y a des instrumentations très riches avec des claviers, des violons,
des guitares… Mais on peut tout de même regretter un vrai manque de diversité
dans cet album. Peut-être est-ce dû à la cohérence thématique de l’album, axé
autour de l’inexorable misère de l’existence, mais au final ces deux heures
d’album deviennent très vite lassantes – car deux heures c’est long. Mist of
Misery se donne donc du temps pour développer ses atmosphères et n’hésite
pas à faire durer ses passages mélancoliques ou tristes mais cela se fait au
détriment de l’efficacité et de la créativité. Il y a certes quelques
innovations plutôt réussies dans Unalterable mais le groupe a un aspect
de déjà-vu, un goût de répétition et de monochromie depuis plusieurs albums. Absence
avait posé des jalons impressionnants en alliant le symphonique et la puissance
du Black Metal avec brio, mais ces repères sont suivis péniblement et les
albums qui ont suivi portent un certain ennui – qui n’est pas le vide
existentiel que le groupe voudrait nous faire ressentir mais un ennui de
lassitude.
Et cela se ressent dans mon écriture même, les deux parties de la chronique
sont inégales non pas parce que les deux CDs sont inégaux mais parce qu’ils
sont trop égaux, il n’y avait donc rien à en dire de plus. Mais l’album n’est
pas mauvais, loin de là, mais c’est un pastiche de Mist of Misery. Il
plaira évidemment aux auditeurs qui ne connaissent pas l’univers des Suédois
mais le connaisseur plus expérimenté notera la similarité avec Absence
sans qu’elle ne puisse atteindre la gloire de son aïeul
A propos de Baptiste
Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.