Doldrum - The Knocking, or the story of the sound that preceded their disappearance

Doldrum - The Knocking, or the story of the sound that preceded their disappearance

Chroniques 7 Décembre 2022

Je vais aujourd’hui vous parler d’un groupe inconnu, qui tire son nom des mineurs des Etats-Unis : Doldrum. Le groupe a sorti son premier album fin mai 2022 et quelle réussite que cet album ! Sans doute que je vous spoile un peu, mais cela n’épuise absolument pas l’album. Au contraire, contrairement aux mines, l’album semble inépuisable : plus on le creuse, plus on en trouve, moins on en a !



L’album commence par des sons d’eau en écho, comme dans la caverne que signale la pochette. Puis la guitare et la basse arrivent en mid-tempo, avec un riffing qui n’hésite pas à aller puiser dans des influences Thrash. On ne cherche pas à construire une atmosphère extrêmement dense, mais à créer une musique groovy dont les spasmes reflètent l’inattendu de la situation. La voix, en revanche, est bien Black, il s’agit d’un chant guttural medium. Partant parfois dans des cris plus aigus, celui-ci nous décrit une présence mystérieuse dans un gourbi de campagne reculé. Malgré la présence de trémolo picking et de blastbeats à la quatrième minute, The Knocking n’est pas une démonstration technique, le morceau cherche au contraire à créer un continuum de riffs et de patterns qui avancent normalement, dans lesquels viennent s’immiscer les accents surréalistes et le chant lugubre.


The Visitor nous indique la venue de cette présence mystérieuse : à sa manière de parler, il ne s’agit pas d’un visiteur de notre temps. Il s’agit au contraire d’un visiteur hors du temps, une entité fantomatique qui ressasse le memento mori. Peut-être est-ce en raison de cet écoulement, que la batterie se veut assez lente tandis que la guitare va chercher des tritons. On notera par ailleurs la construction en 6/8 du morceau, qui accentue la répétitivité des riffs et leur effet lancinant. Le morceau s’arrête quelques secondes pour faire entendre des râles dans la forêt avant de reprendre son allure, pour nous rappeler l’étrangeté de cette présence malfaisante. Ce n’est qu’au moment d’aller sous terre que le morceau presse le pas en passant à la double-croche pour révéler le mouvement descendant que l’album entame, vers des limbes symbolisées par des nappes de synthétiseurs.


On passe donc au troisième moment de ce voyage, qu’est le ravissement avec The Abduction. Le mystérieux invité révèle un monde halluciné, aux prises avec l’alcool tout au long du morceau. Comme saoul, le morceau titube en alternant des passages binaires et ternaires, laissant parfois traîner ses mesures, ce qui est déstabilisant et crée un sentiment de gêne pour l’auditeur. Similairement, des guitares sont parfois harmonisées sans distorsion et quasiment sans effet, pour que l’on entende bien leurs résonances métalliques. Les blastbeats sont sous-mixés pour créer un fond sonore, et en fond les cris du chanteur résonnent, le tout dans un espace sonore feutré et caverneux, si bien que l’on ne sait plus où l’on est.


Il semble que l’on soit arrivé dans un espace sacré, l’autel dans lequel se réalise The Offering. D’abord symbolisé par un passage de sons cristallins, le moment de l’offrande se voit doté d’un riffing plus fourni et violent que précédemment. Le chant n’est pas sans rappeler celui d’A Forest of Stars par moments, mais pour l’instant rien de vraiment déroutant dans ce morceau. La vraie surprise est le passage à 2 minutes où les guitares viennent sur les contremps par accoups pincés, et le reste du morceau va garder ces accents sur quatrièmes croches pendant sa première moitié. Sa seconde moitié ressemble quant à elle à un passage de Black Metal médiéval tant elle abuse des harmonisations à la quinte. Le seul rappel à la dimension rituelle sont les nappes de synthétiseur, alors que le protagoniste ravi disparaît dans la terre devant un arbre de pierre


On en vient alors au dernier morceau, The Disappearance. On revient sur un riffing plus lent, ponctué d’un chant par phrases rapides qui rythment le morceau. Pour le reste, rien de bien particulier à part un solo de guitare à la quatrième minute, mais rien qui ne change du reste. Doldrum reste malsain, mais pas violent, malfaisant plutôt, dans son riffing où tout semble changeant, où même le tempo devient rapidement perturbant par sa lenteur indicible. Fait notable toutefois, les synthétiseurs reviennent peu à peu dans le mix, en crescendo. Ils font d’abord office d’introduction à un passage de basse. L’usage de l’instrument pour créer une ambiance caverneuse est très bon, par son timbre légèrement métallique et surtout très résonant. Par suite, l’atmosphère se crée grâce à un trémolo picking (en voilà enfin un que l’on entend bien !) puis grâce aux synthétiseurs, dans un ultime passage surnaturel, tandis que notre protagoniste erre sans fin dans une mine. 



The Knocking est un album très particulier. On peut associer le groupe à de nombreuses références Black Metal, mais on ne saurait réellement associer son style à un genre défini. Thrash ? Black ? Folk ? Tous ces genres viennent se brasser pour raconter l’histoire de mineurs en proie à une expérience mystique. Serait-ce la folie d’une poche de grisou ? Les atmosphères sont dès lors lugubres, humides, et rappellent celles de Altars of Plagues. L’album est assez court, avec moins de 40 minutes, j’invite donc tous les auditeurs qui sont intéressés par le Black et les riffs aux relents Thrash à aller écouter cet album atypique. Sa dimension surnaturelle n’est pas étrangère au Black Metal qui joue souvent d’un décorum, toutefois il ne s’agit pas là d’un folklore un peu kitsch. En effet, la musique est indiscernable, les entités ne sont jamais nommées ni décrites, l’album est lovecraftien : il crée le malaise avec peu de sorts, en ne donnant rien à ronger à notre cerveau d’autre que l’imagination malade qui crée elle-même ses inquiétudes.

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.