Interview Anomalie - Français

Interview Anomalie - Français

Interviews 14 Juillet 2020

Lors du Cernunnos Pagan Fest, j’ai eu l’occasion d’interviewer Marrok, cerveau du projet de Black Metal Anomalie ! Composition, développement personnel et politique, plusieurs sujets ont été abordés pour une interview intéressante !
Pour une retranscription plus fidèle de la discussion, vous pouvez retrouver la version originale (anglais) ici: Interview Anomalie - English

 

Radio Metal Sound : Anomalie a débuté avec Between the Lights qui est un album plutôt sombre et déprimant. Il semble désormais que ce soit un projet plus axé vers la spiritualité. C’est pourquoi je me demande si tu as débuté ce projet avec l’idée d’un chemin spirituel vers la guérison ou est-ce que ce n’est qu’un exutoire sans plan ?

Marrok : Oui, tout est venu très naturellement… J’ai toujours voulu que ce soit un canal pour m’exprimer et le développement que l’on peut entendre d’une sortie à l’autre suit plus ou moins mon développement personnel. Bien sûr, les premiers jalons ont été posés quand j’avais 19~20 ans et 10 ans après on n’est plus le même, ça s’est développé comme ça me semblait bon

Radio Metal Sound : Ça explique pourquoi c’est un one-man band

Marrok : Exactement ! Il y a des groupes qui doivent être des groupes et il y a des projets comme celui-ci où il faut un seul esprit pour composer. Mais je ne suis pas le seul à avoir une influence sur le rendu final car bien que ça ne soit écrit que par une personne, je garde en tête mon batteur pour le studio car même si je peux écrire de la batterie et que je peux un peu en jouer, ce serait une plaie de tout faire seul et pourquoi je m’emmerderais à faire ça si j’ai un proche qui est bien meilleur que moi dans l’exécution ? D’autant que pour moi ça n’a jamais été une question d’égo de tout faire seul et la musique reste quelque chose qui rapproche les gens et qui les unit, donc c’est un peu entre les deux, bien que l’aspect créatif me soit propre

RMS : J’ai lu une interview dans laquelle tu disais que tu voulais garder « un certain esprit de rébellion vivant ». Est-ce que tu es toujours d’accord avec ça et est-ce que c’est le cas avec Anomalie ?

Marrok : Ces mots ont différentes interprétations car en un sens ça signifie que sur le plan musical je ne veux pas faire partie de ceux dont on sait qu’attendre pour le prochain album. La répétition est quelque chose que je ne comprends pas, je ne comprends pas pourquoi des artistes se répètent pendant 20 ans, même si ça se vend bien, bien que la plupart du temps ça ne se vende pas vraiment bien. Il y a des gros exemples mais aussi des petits groupes qui restent bloqués dans leur vision étriquée. Ça avait donc un sens musical, mais c’est aussi une question de sentiment : j’essaye de retourner à mes racines, au début de ma carrière musicale, mais je ne peux pas aller en arrière, je continue donc en avant en faisant des choses que je n’ai jamais faites avant. On gagne et on perd de l’audience parce que certaines personnes seront en accord avec ce que tu fais et peu de gens aimeront tout parce que c’est toujours différent et que les gens préfèrent avoir des choses qu’ils aiment. Enfin, sur le plan musical, j’ai toujours été un peu triste que mes textes soient perçus comme négatifs. Je n’ai jamais été quelqu’un de dépressif mais il m’a fallu des années pour m’exprimer comme il le faut, pour être capable d’avoir de l’espoir et cet esprit rebelle est ne pas prendre les choses comme elles sont pour s’en plaindre mais de prendre son futur dans ses mains. Il ne faut pas que parler des choses, de leur méchanceté, il faut faire quelque chose pour les changer. Bien sûr, il y a des superstructures qui sont au-dessus de nous tous et avec lesquelles il nous faut vivre ou il faut quitter nos conditions, notre pays ou notre région, et recommencer autre part mais même ça c’est notre choix. C’est un des messages que j’essaye d’exprimer entre les lignes, d’une manière plus convenable et esthétique, plutôt que refléter un monde négatif sans donner aucune opportunité d’en sortir. C’est quelque chose que j’essaye de conserver

RMS : Les sentiments dans ton œuvre sont nombreux : il y a du désespoir, de l’espoir mais aussi de la délicatesse etc. Tu as commencé à répondre à cette question mais j’aimerais savoir si tu tiens à garder cette ambiguïté dans ton œuvre.

Marrok : C’est toujours partiellement conscient. Chaque fois que j’entame quelque chose, je crois que je sais ce que je vais faire, comme je veux que ça sonne et sur quoi ça portera, mais finalement la seule chose qui compte est d’être authentique. Quoi qu’on fasse, il faut que les gens y croient, qu’ils sentent l’honnêteté dedans. Je ne veux pas dire aux gens comment vivre, prêcher quoi que ce soit. Je ne suis pas un vieillard ni un sorcier vénérable, je reflète juste ce que les gens vivent et que personne n’est parfait, mais la seule chose importante est que ce qu’on entend est à 100% mon état d’esprit lorsque ça sort. C’est mon but principal et la seule chose que j’essaye de garder pour l’avenir

RMS : J’aimerais qu’on continue sur le thème de la composition et précisément de la composition lyrique car j’ai remarqué que beaucoup de tes chansons ressemblaient à des histoires. Visions sonne comme des contes dont j’aimerais savoir si tu bases tes textes sur tes expériences personnelles ou si tu tiens à leur donner une dimension culturelle.

Marrok : Ce n’est pas facile de répondre car finalement ce qu’on peut entendre n’est que ma tentative de mettre des mots et des sons sur ce qui me meut à un certain moment. Ce ne sont pas toujours des moments particuliers, ça peut juste être un rêve que j’ai fait. J’essaye de mettre des mots sur ce qui m’est important et d’avoir cette atmosphère d’intensité. C’est très dur pour moi de trouver les mots justes pour ce genre de musique parce que je suis bien meilleur pour m’exprimer avec un instrument qu’en écrivant des paroles. Ça me prend toujours du temps de trouver le bon équilibre, qui fasse correspondre le côté réaliste des paroles et l’aspect spirituel de la musique. Finalement je dirais que c’est un peu entre les deux

RMS : Tu as d’ailleurs dit que ta musique était une image de toi. Mais est-ce que tu penses que la musique t’a aidé à te développer d’une manière ou d’une autre ?

Marrok : En ayant l’objectif de faire un nouvel album, je me force à réfléchir sur moi, sur ce qui a changé depuis la dernière fois, à penser certaines choses en détails, même ce qu’on ne ferait pas habituellement comme sur des sujets désagréables. D’une autre manière, c’est une thérapie efficace de se forcer à revoir son état d’esprit d’il y a quelques années. C’est intéressant de voir les différences et j’aime avoir ces marqueurs temporels à chaque enregistrement. Plus c’est vieux, plus c’est intéressant de le laisser de côté quelques années et d’y revenir, ça sonne comme si c’était quelqu’un d’autre. Et pourtant on s’y retrouve quand même et on peut dire : « Cette chose me tracassait beaucoup à l’époque mais j’ai réussi à faire avec et ça m’a beaucoup changé », c’est comme un miroir pour soi-même

RMS : Cet aspect ouvre un grand champ de questions mais nous n’avons plus beaucoup de temps, c’est pourquoi j’aimerais te poser une dernière question thématique : je sais que certains artistes ne sont pas à l’aise avec ça mais je me demande s’il y a un aspect « politique » dans Anomalie, pas dans le sens classique du mot, mais dans la critique qu’on peut y trouver de l’avidité, sur les questions environnementales comme dans One with the Soil, etc.

Marrok : Je pense que c’est dans notre nature humaine de regarder autour de nous pour voir ce qui s’y passe et de questionner ce qui se passe y compris sur le plan politique parce que d’une manière ou d’une autre ça nous influence. Je ne veux pas avoir trop de ça dans mes créations mais parfois il semble bon de poser des questions à la société (au sens d’ « humanité ») car ce sont les mêmes forces qui poussent l’humain dans le côté sombre de notre comportement. Où que nous soyons sur cette planète, il y a des choses similaires qui ont juste des noms différents. Dieux ou démons, peu importe, tout a commencé avec les anciens dieux et ils avaient tous les mêmes rôles, seulement des noms différents. Je ne vois pas l’intérêt de se concentrer sur de la politique locale (et même la politique européenne est trop locale pour moi), en tant qu’artiste je préfère rester sur un plan commun, dans lequel tout le monde se retrouve et non qu’un certain groupe. L’aspect politique est partiellement là, mais honnêtement je ne suis pas quelqu’un qui s’intéresse à ceux qui ne me sont pas proches donc la politique est pour d’autres gens, pas pour moi.

RMS : Enfin, la dernière question : qu’est-ce que le futur réserve pour Anomalie ?

Marrok : Je vais devoir me débrouiller car l’organisation est très serrée avec Harakiri for the Sky mais cette année on enregistrera un nouvel album. On ne sait pas encore quand, on le mettra quand on pourra, mais quelque chose est en cours.

 

Malheureusement notre interview a dû être écourtée à cause de la préparation du concert mais elle n’en a pas été moins agréable. Encore merci à Marrok et allez écouter Anomalie !

A propos de Baptiste

Être ou ne pas être trve ? Baptiste vous en parlera, des jours et des jours. Jusqu'à ce que vous en mourriez d'ennui. C'est une mort lente... Lente et douloureuse... Mais c'est ce qu'aime Baptiste ! L'effet est fortement réduit face à une population de blackeux.